François PAJONNET

Le prieur le plus célèbre

C’est le dernier prieur d’Allichamps. Né le 26 mai 1712 à Bourges, il fut promu prieur d’Allichamps en 1740. Il y restera jusqu’en 1792, date à laquelle la révolution a mis fin à son ministère. Il s’est retiré à la grange Bernon (lieu-dit situé à environ un kilomètre d’Allichamps). Décédé le premier mars 1806, il a été inhumé dans l’ancien cimetière de La Celle.
Sur sa pierre tombale figurait l’inscription : « il aima la religion et les antiquités ».
Il se montra un gestionnaire avisé, tant pour les biens du prieuré que pour ses biens propres (En 1771, avec un de ses parents, il rachète au Marquis de Bigny les domaines de La Grange Bernon et de Nohant).
Titulaire de nombreuses « vicaireries », il n’a pas hésité à affronter les religieux de Noirlac, devant le grand Conseil du Roy. Tout comme il affrontera les paroissiens de Farges-Allichamps et le curé de Nozières au sujet de la perception des dîmes. Esprit cultivé et intelligent, il s’est rapidement intéressé aux antiquités.

Dès 1750, il a entrepris des fouilles à Drevant et à Néris-les-Bains, puis en 1754 commença ses fouilles en Allichamps, où il sut découvrir à peu près tout ce que le sol contenait d’intéressant. Ses fouilles (champ de la bataille, grand cimetière, etc.), lui permirent de mettre à jour un véritable trésor archéologique.
Il a entretenu une correspondance fournie avec des personnalités du Berry, tels les intendants Dodart, Dupré de Saint-Maur, Triboulet (maire de Bourges), l’historien Pallet, le Duc de Béthune-Charost, auquel il adressa en 1774 une notice du produit de ses recherches, qui lui valut une pension viagère de 1200 livres. Ce fut le savant De Caylus qui fut le dépositaire de la plus grande partie de ses découvertes. (Des lettres échangées entre les deux hommes attestent ce commerce).
Chaque année de 1750 à 1765, il lui envoyait un état de ses recherches, ainsi que des objets dont le transport était facile.

« … avant moi Allichamps était inconnu aux antiquaires ; j’ai commencé à le tirer de la nuit des temps. Un autre plus heureux le fera peut-être revivre… »

François Pajonnet au duc de Béthune-Charost – 7 juin 1774

Ses découvertes :

  1. 1754 Allichamps, à 380 pas du clocher, des tombeaux de pierre.
  2. 1755 Dans le même champ, un tombeau gaulois, dans lequel il trouva des ossements, une large et épaisse boucle de bronze, qui fut brisée et une médaille d’argent de Septime Sévère (Septime Sévère : Lucius Septimius Severus Pertinax (11 avril 145 – 4 février 211), est un empereur romain d’origine africaine, qui règna de 193 à 211).
  3. 1757 Toujours dans le même champ, deux colonnes milliaires 1758 Deux tombeaux avec inscriptions
  4. 1759 Toujours des tombeaux, mais une affreuse grêle ravage sa paroisse et il doit cesser ses fouilles jusqu’à fin 1760.
  5. 1761 Dans le champ appelé « terres noires », des ruines d’édifice, des médailles, une cornaline sur laquelle est gravée une tête de femme.
  6. 1762 Des médailles gauloises, des cuillères en bronze et en ivoire.
  7. 1763 Les restes d’un ancien édifice romain, des médailles, une agate noire gravée.
  8. 1764 Suite à la découverte de l’édifice (1761), des vases de verre et de terre, une agate gravée d’une tête de posidonius (Posidonios d’Apamée, philosophe stoïcien grec, surnommé « l’athlète », fut aussi un savant, géographe et historien. Il est le brillant représentant de l’esprit hellénistique, à la fois empirique et spéculatif, curieux de tout) (L’abbé François Pajonnet, dernier prieur d’Allichamps, était aussi archéologue. C’est lui qui a mis au jour de nombreuses pierres tombales, mais aussi la borne milliaire installée à Bruère-Allichamps en 1799, aux frais du Duc De Béthune-Charost. Elle symbolise le centre de la France, ou plutôt l’un des centres de la France) Si on en croit les échanges de courriers qu’il eut avec divers savants et marchands d’art, le prieur Pajonnet fait plus figure de négociant d’objets de valeur archéologiques que de saint homme. C’était certainement un subtil mélange des deux ! Il a vendu nombre de médailles et d’objets exhumés sur les terres d’Allichamps, ce sont des faits établis.

Sources : Dauzat, Buhot de Kersers, Mallard, De Raynal, Do Laugardière, Boudet, Abbé Offuis, Jean-Yves Hugoniot, Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry, Mgr Villepelet, Gaston Petit, Maurice Larguinat, Patricia Duret

Histoire du dernier prieur d’Allichamps

de 1740 à 1793

  • En février 1740, c’est un certain Etienne Lerasle qui est dit prieur d’Allichamps : il est quasiment tout le temps absent ou ne vient plus, puisque le frère Tiburce (?), religieux des carmes desservant de La Celle- Bruère, puis le frère Olivier, desservant de Farges et d’Allichamps, assurent les actes jusqu’à la fin de l’année. Cet Etienne Lerasle deviendra ensuite curé de Meillant jusqu’en 1768 (sa « naive pierre tombale est aujourd’hui sur la pelouse au pied du clocher de l’église », père René Challet, bulletin n°22 des Amis du musée Saint-Vic,1990). On retrouvera son nom en 1765 avec celui de Pajonnet pour le prieuré Sainte-Catherine de Meillant. Ce n’est que le 31 décembre 1740 qu’apparaît la signature de François Pajonnet desservant d’Allichamps.
    Il a 28 ans. Il est né en 1712 à Bourges.       

  • D’après le Pouillé de Bourges de 1772, nous apprenons qu’il a été ordonné prêtre en 1736: Pajonnet confirme cette date dans le mot de démission de sa cure, le 25 novembre 1793. Un diplôme en latin (AD 18, F 613, n° 107) signale que Pajonnet a été insinué et contrôlé « ad sacrum diaconatir ordinem » (diacre) par l’Office des insinuations ecclésiastiques d’Orléans, le 6 septembre 1735.    
    Est-ce seulement l’adresse du bureau de certification ou l’endroit où il aurait fait une partie de sa formation ?

Nous avons plus de cinquante années écrites de sa main, avec une grande régularité des formules, pour les actes de baptême, de fiançailles et de mariage, de sépulture ou obit. Pour chaque année seront indiqués le nombre de ces actes et leur total. Contrairement au prédécesseur Lestourneau, il y a très peu d’informations annexes permettant d’illustrer la vie locale. Comme par d’autres sources nous savons que Pajonnet fut amateur d’antiquités, nous signalerons cet intérêt au fur et à mesure.

Quant à l’état des routes qu’il va parcourir pour ses ouailles comme pour ses recherches, on peut se référer à l’Atlas de Trudaine, généralité de Bourges, relevé et imprimé entre 1745 et 1780 (volume V, concernant les chaussées entre Bourges, Châteauneuf-sur-Cher et Saint-Amand-Montrond, passant par Bruère). Rappelons que la route départementale (nationale) 144 n’existe pas puisqu’elle n’est ouverte qu’à la toute fin du XVIIème siècle, évitant l’ancien bourg de Bruère en se déportant vers l’est de l’ancienne voie romaine. Au plus près d’Allichamps, nous avons ces notes manuscrites : « Les pentes du chemin dans l’étendue de cette feuille (carte) sont très praticables, le terrain est sec et pierreux si l’on excepte 300 toises de longueur de fondrières au pont de Rodais où il se forme des fondrières lorsqu’il a plu; il serait aisé d’y construire des chaussées au moyen de la pierre et des pierrailles que fournissent les coteaux et du sable que l’on prendra dans le Cher. » Entre Rodais et Allichamps, passant sur l’Yvernin : « […] petit pont (arches liées avec des murs en moellons sans parapet), chaussée de dessous en cailloux […] » Entre Allichamps et Bruère, en arrivant sur le ruisseau de Saint-Clair:«[….]chemin sablonneux un peu gras par endroits ; le gué […] est praticable. La traversée de Bruère est pierreuse. » C’est l’actuelle rue Georges-Sand puis la sortie vers Saint-Amand par les Champs-Chaudiaux : « montée rocheuse ; terrain mêlé de glaises et de cailloux ». Il est également signalé au bord du Cher les « ruines d’un ancien pont de cette rivière »).

  • En 1741, Pajonnet prend possession : c’est une prise de fonction officielle passée devant notaire (AD18 F 613, n°101), sorte d’état des lieux que l’on retrouve pour chaque nouvel officiant qui se fait en présence de collègues voisins, des personnalités locales civiles, de la noblesse (seigneur, chevalier.) comme du tiers état (procureur fabricien ou responsable de la fabrique qui gère les biens de l’église) et habitants de la paroisse. Nous trouvons confirmation de ce rituel codifié dans l’article de Geneviève Bailly publié en 2008 dans le numéro 176 des Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry, intitulé « Les notaires témoins de leur temps : les prises de possessions laïques et religieuses en Berry-Bourbonnais (XVII-XVIIème siècle,p.27 et ss.) », avec l’exemple plus tardif de la cure d’Ainay-le-Vieil (en 1779). Cette minute notariale est plus ou moins lisible et indiquée au plus près du texte original :
    « Aujourd’huv 28ème et dernier jour du mois de février I741 avant midy, en la présence de nous nottaires royaux soussignés et des témoins cy après nommés, messire François Pajonnet prestre au diocèse de Bourges procureur du prieuré d’Alicham et curé de Farges annexe du dit prieuré, estant en l’église d’Alicham revestus des habits sasserdottaux, a suplié et requis vénérable la discrette personne Messire Antoine Carlin prestre prieur de la ville et paroisse du Vieil Château de Saint-Amand, le vouloir mettre en la vraye, actuelle et corporelle possession du dit prieuré d’Alicham et annexe de Farges, des fruits, profits [….] en vertu de provision obtenue en cour de Rome le huitième jour de l’année [….] dhuement controlée séllé et insinué à Lion le sept feuvrier suivant et du vizat de monseigneur, illustrissime et revérendissime, patriarche archevêque de Bourges primat des Aquitaines en datte du 23 février présans mois dhuement insinué au registre des Insinuations ecclésiastiques de l’archevêché de Bourges les dits jours et ont signé [….] à la réquisition du dit sieur Pajonnet obtenue et ayant ainsi parlé sieur Carlin curé et lue les dites provisions de cour de Rome et du dit vizat, le tout cy dessus datté estant en bonne et dhue forme sellés et enregistrés ainsy qu’il est dit cy dessus, a pri par la main le sieur Pajonnet mené et conduit au-devant du grand autel de la ditte église d’Allicham en chantant le Véni créator y celui prieur dit l’oraizon du Saint-Esprit, Deus qui corda fidélium puis baizé le dit autel a chanté le Te deum oraison ensuitte y celuy, ouvert le tabernacle, le livre missel estant sur le dit autel, et de là s’est transporté aux sains fonds baptissemaux qui l’a pareillement ouvert et fermé, sonné une des cloches par trois diverses fois de la dite église, prier séance dans le siège ou ont accoutumé les curés de s’asseoir en celle église, entré et sortie des baptismaux et la maison présbitéralle de la dite église le prieur estant retourné en […] le sieur Carlin a publié à hautte et intelligible voix par trois diverses fois aux assistants que par les dites sérémonies et autres accoutumés gardés et observées ainsy que faire se doit […] de mettre comme effet le dit sieur Pajonnet en la vray, réelle actuelle et corporelle possession du dit prieuré d’Allicham ensemble des fruits, profits et revenus et […] d’yceluy, ainsi que de ladite annexe de Farges ou le dit sieur Pajonnet c’est transporté avec le dit sieur Carlin et tesmoins cy-après, ou a estvé observer en l’églize du dit Farges pareille et semblables formalités qu’en la dite église et prieuré d’Allicham affin que personne ne prétendent cause d’ignorance, nuls à ce contredizant opposant ny empêchant Comme aussy il nous a esté rémontré par le sieur Pajonnet que la maizon presbitéralle du dit prieuré d’Allicham a besoin et manque de réparations qu’il proteste par ces présantes de ce pourvoir pour … contre toute et telle personnes qui pourront en être thenues ainsy qu’il […] son estre [….] ce que dessus le prieur Pajonnet [….] à nous nottaires soussigné lequel acte nous [….] octroyer pour [….] et valloir ce que de raizon, fait et passe au dit Allicham et la susdite église de Farges, en présence de messire Jean Pelletier prestre curé d’Uzée, messire Pierre Olivier de Saint-Jean desservant ladite annexe de Farges, de messire François-Balthazard Robin chevallier seigneur du Saulsay et capitaine au régiment de royal artillerie, messire Charles Robin chevallier seigneur du Château LeFer; messire George Bertrand chevallier seigneur de Beuvron cornette de carabiniés (?), messire Estienne Delaroche Bruhard, enseigne de vaisseaux du roy et lieutenant de compagnie, Maturin Goutenay procureur fabrissien du dit Allicham, Jacques Jamet, Antoine Frapin, Jacques Bullet, Denis Renault, Claude Debruères fabrissien de l’église de Farges, Louis Bionnet et [….] paroissiaux et habitans du dit Allicham et Farges toutes les dites parties (quatiers) et témoins des paroisses d’Allicham, La Selle Bruère, Saint-Amand et Uzée, lesquelles susdit habitans d’Allicham et Farges ont déclaré ne savoir signer [….]  
    [….] soussigné et sont controlée ainsy signé en la minute des présans : François Pajonnet prieur d’Alicham et Farges, Carlin curré de Saint-Amand, Pelletier curré d’Uzée, père Olivier de Saint-Jean desservant de Farges, Du Saulzay, Robin de Château LeFer, Bertrand de Beuvron, Bruhard, Antoine Frapin, Pajonnet, Ducher notaire royal, et Gonneteau notaire royal soussigné, controllé à Saint-Amand le 2 mars 1741, reçu six livres signé [….] inssinué au greffe des Insinuations ecclésiastiques de l’archevêché de Bourges le 22 mars 1741 controllé le même jour, signé [….]
    »

Parmi les personnalités locales citées dans cette minute, certaines vont réapparaître dans la vie de notre

Prieur Pajonnet : la vénérable et discrète personne qui l’introduit dans sa fonction est le curé François Carlin qui a été curé de Meillant, puis de Saint-Amand entre 1730 et 1749 (où il meurt à 72 ans enterré dans le chœur de cette église); le curé Jean Pelletier est un curé voisin de la paroisse d’Uzée (Uzay-le-Venon) limitrophe d’Allichamps.

Pour cette première année en fonction : 15 actes se répartissent en 9 baptêmes,2 mariages et 4 sépultures.

  • En 1742, 19 actes se répartissent en 8 baptêmes, pas de mariage et 11 enterrements.
  • En 1743, 21 actes se répartissent en 11 baptêmes, 4 mariages et 6 sépultures. Fin avril Pajonnet s’absente et est remplacé par frère Olivier desservant de Farges.
  • En 1744, 17 actes se répartissent en 7 baptêmes, 3 mariages et 7 enterrements. Il arrive souvent que soient enterrés des nouveau-nés « ondoyés par nécessité à la maison ». 
    Une minute notariale nous informe de la tenue de travaux (AD18, E 21842)        
    « Aujourd’huy dimanche vingt-huit juin 1744, nous François Journet nottaire tabellion des Justices de Saint-Amand et Bruère résidant au dit Saint-Amand soussigné à la réquisition de Mr. François Pajonnet prêtre prieur curé de la paroisse d’Allichamps nous nous sommes transportés au lieu d’Allichamps à l’issue de la messe les habitans de la dite paroisse cy après dénommés et les propriétaires […] aussy cy après dénommés ont dit qu’il est question de procéder présentement à l’adjudication au rabais des réparations mentionnées au devis aussy cy après et aux conditions qui seront expliquées. Lesdites réparations nécessaires ordonnée par les procès-verbaux de visite à la charge d’être autorisées par Monseigneur l’Intendant de cette généralité, la charge aussy que les adjudicataires seront tenus de la fourniture des matériaux nécessaires et de la voiture d’yeux, que les dittes réparations seront rendues faites et en état de réception au premier novembre prochain, que le prix sera imposé par les habitants et propriétaires de la dite paroisse, et payé entre les mains de l’adjudicataire en trois payemens dont le premier sera fait pour un tiers au premier septembre le second dans le courant d’octobre le tout [….], et le troisième lors et après la réception de l’ouvrage qui sera faitte au frais de l’adjudicataire; à l’égard des frais de l’adjudication et de leur faits pour y parvenir ils seront aussy imposés par les dits habitants et propriétaires suivant l’état qui en sera fourny et joint à l’adjudication par ordonnance de Monseigneur l’Intendant. S’ensuit le devis de réparations dont il est question à faire à l’église paroissiale d’Allichamps :
  • il sera fait un lambris à neuf à la première nef de l’église en doin ou planches qui seront secs et biens conditionnés, le dit lambris fait en anse de pannier et le vide qui se trouvera entre le lambris et le ceintre du choeur sera rempli par un mur.
  • il sera passé à taille ouverte la couverture de la seconde nef du côté de la rivière et mis à neuf quatre filières à la charpente de la dite nef.
  • le restant des couvertures des deux nefs sera repiqué ou besoin sera, et il sera posé des coyaux aux couvertures des deux nefs pour leur donner l’égout nécessaire; elles seront affaité et rivetées à chaux et à sable.
  • raccomoder le lambris de la seconde nef ou besoin sera.
  • recarler l’église partout ou besoin sera et pour ce faire l’entrepreneur prendra des tombes dans le cimetière.
  • le mur de la seconde nef du côté de la rivière sera renduit, regriffé les trous bouchés et blanchis en dedans aussi bien que les deux nefs.

Lesquelles réparations ont été criées et aux quelles par dernière mise elles ont été adjugées à Gabriel Bionnet et Gabriel Bodart son gendre couvreur et entrepreneur demeurant à Farges à la somme de cent soixante-quinze livres aux conditions cy dessus expliquées à quoy ils se sont solidairement soumis et obligés sous les obligations et contraintes même par […], laquelle adjudication a été faitte du consentement du dit sieur Pajonnet, d’Antoine Frapin syndic, Jacques Jamet procureur fabricien, Pierre Bonegaudon journalier, Pierre Rolland laboureur; Claude Picot journalier, Claude Beliet vigneron, Jacques Belier vigneron, François Belier vigneron, François Ribalon journalier, Joseph Cabat laboureur; Gilbert Personat journalier; Denis Regnaud laboureur; Robert Transon journalier. Jean Picon meunier, car ainsy fut fait au dit lieu d’Allichamps les […] en présence de Pierre-Antoine de Foullenay procureur ès justice d’Arcon et Orsenais demeurant en la ville de Saint-Amand et Gilbert Bareau vigneron demeurant à Bruère paroisse de la Celle, les parties et témoins qui n’ont signé ont déclaré ne le savoir ; de ce requis et fait controllé […].» ;

  • En 1745, 18 actes se répartissent en 9 baptêmes, 3 mariages et 6 enterrements.
  • En 1746, 35 actes se répartissent en 15 baptêmes, 3 mariages et 17 enterrements. Il est signalé une naissance à « la Bergerie située dans l’étendue de notre annexe et succursale de Farges».         
    «Le 13 décembre a été inhumé dans l’église Mr. François Pajonnet, âgé de 66 ans vivant époux de Marie Chantelat, en présence de Pierre Giraud prieur de Vallenay, et de Delpuech (?) curé de [….], et du prieur d’Allichamps. » C’est le père de notre prieur, dont on aurait rapporté le corps ou qui serait mort sur place parce qu’il y habitait, chez ou à côté de son fils. On sait que notre prieur est né à Bourges en 1712 ou vivaient alors ses parents et qu’il a maintenant 34 ans.
  • En 1747, 38 actes se répartissent en 15 baptêmes, 4 mariages et 19 enterrements.        
    C’est après 1746 une année record en actes avec un pic de décès qui concerne pour plus de la moitié des naissances de l’année ou des enfants en bas âge : 4 le même jour en octobre, par exemple. Epidémie ou/et condition climatique particulières?    
    « Aujourd’hui le Ver juin fête de la très sainte Eucharistie le sieur Auclère habitant Bruère dans le grand domaine de la Maratonnerie (?) ne pouvant lui même et d’autres personnes de sa maison présenter le pain bénit à son tour comme habitant l’a fait offrir de sa part par demoiselle Marguerite Angélique Bûgnon sa parente épouse du sieur Charles François chirurgien demeurant en cette paroisse, laquelle demoiselle quoy qu’elle sache écrire m’a dit ne savoir signer et été refusante de le faire, dont acte [….]»
  • En 1748, 30 actes se répartissent en 14 baptêmes, 2 mariages et 14 enterrements.        
    « Aujourd’hui 30 novembre en vertu de l’ordonnance rendue le dit jour par Mr. le lieutenant au siège de Saint- Amand, et de réquisition de Mr. le procureur Viléal (?) a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse le corps de Pierre Value domestique au domaine de la Bergerie âgé d’environ 23 ans et qui avait été retiré de la rivière du Cher en présence de Denis Régnault laboureur et François Tisonnet (?)[….] », signé par le greffier Dubois.
  • En 1749, 16 actes se répartissent en 8 baptêmes, 1 mariage et 7 enterrements. Un acte fait mention d’un certain Jean Picon, meunier au moulin des Bordes.
  •  En 1750, 17 actes se répartissent en 7 baptêmes, 1 mariage et 9 enterrements.
    C’est en 1750 que M. Pajonnet « homme aussi instruit que modeste », comme le signale M. Cartier de Saint-René dans son article « M. Pajonnet, curé d’Allichamps » paru dans le n° de 1875/76 des Mémoires de la Société des antiquaires du Centre, « y commença ses fouilles ainsi qu’à Drevant, Bruère et Néris».
    Jean-Yves Hugoniot, dans un article du Bulletin des Amis du musée Saint-Vic (n° 38, hiver 1997-1998) intitulé « En savoir un peu plus sur Drevant », nous signale : « En Saint-Amandois, la fin du xvur siècle fut marquée par la naissance d’une science nouvelle : l’archéologie. Et le grand initiateur, correspondant local des sommités nationales, fut PAJONNET, le prieur Pajonnet d’Allichamps. Si ses travaux sont attestés à Drevant, on n’en connaît pas exactement la nature ni l’ampleur; et aujourd’hui aucun écrit ne subsiste ou n’a été retrouvé là-dessus. Il semble s’être intéressé au tracé de la voie romaine, suite logique de celle qui traversait son territoire d’Allichamps. Bien entendu, les méthodes de recherche employées alors n’avaient rien à voir avec celles utilisées maintenant. En quelque sorte on lâchait, au petit bonheur la chance, des équipes de terrassiers salariés sur un territoire donné et ils faisaient des trous. De plan point, et les notes de fouilles consistaient à énumérer les découvertes, spécialement les médailles (monnaies), lesquelles allaient enrichir les cabinets de curiosités des érudits locaux ou des collectionneurs nationaux.»

On ne sait pas comment vint à Pajonnet cet amour des « Antiquités » : lectures au cours de sa formation religieuse, visites, rencontres d’amateurs antiquaires, de numismates dont les collections sont plus ou moins connues sur la place de Bourges tout au long du XVII° siècle ? Il a peut-être lu l’Histoire de Berry de Jean Chaumeau parue à Lyon en 1566, eu vent des Antiquités romaines de Berry du sieur Nicolas Catherinot parues en 1682, ou de l’Histoire de Berry de Gaspard Thaumas de la Thaumassière (1681-1702) publiée entre 1689 et 1691.

L’Encyelopédie de Diderot et d’Alembert (éditée entre 1751 et 1772) propose la définition suivante :

« L’antiquaire est une personne qui s’occupe de la recherche et de l’étude des monuments de l’Antiquité, comme les anciennes médailles, les livres, les statues, les sculptures, les inscriptions, en un mot, ce qui peut lui donner des lumières à ce sujet. »

M. Cartier de Saint-René continue en écrivant :

« Les fouilles continuèrent jusqu’en 1775. Chaque année de 1750 à 1765 il envoyait à M. de Caylus un état de leurs résultats et les objets dont le transport était facile. Le comte de Caylus en fit le plus grand éloge et les signala à l’attention des savants. »

Anne-Claude de Caylus est né en 1692. Noble et argenté, il va faire un tour des sites antiques du bassin méditerranéen et, de retour en France, il commence une collection d’antiquités. Il est antiquaire (dans le sens d’aimer et collectionner les antiquités), archéologue, graveur, homme de lettres. Il publiera Le Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines en sept volumes à partir de 1752, le dernier volume étant posthume puisque édité en 1767. Il introduit les antiquités gauloises à partir du troisième volume en 1759. Ces volumes présentent les objets et monuments antiques (dont beaucoup sont de sa collection mais pas seulement). Il parle aussi d’objets provenant des fouilles de villes antiques en Campanie italienne qui viennent d’être retrouvées : Herculanum en 1711 et Pompéi en 1748. Il meurt en 1765.

En 1773 et 1774. M. Pajonnet s’adresse alors au duc de Béthune-Charost qui « attachait beaucoup de prix aux recherches du courageux prieur ». Bien qu’écrites plus tard dans notre chronologie, voici quelques lettres qui annoncent la notice de 1774 récapitulant le produit des recherches annuelles de Pajonnet entre 1750 et 1774 que nous introduisons dans la chronologie des registres.

Le 22 décembre 1773, Pajonnet écrit :         
« Monseigneur ;

Votre Grandeur a paru voir avec plaisir une partie du produit de mes fouilles et de mes recherches. Je serais donc coupable, si je lui laissais ignorer la nouvelle découverte qui confirme l’ancienne considération dont a joui ce lieu soumis à votre grandeur. Cette nouvelle découverte est un autel jadis érigé à Claude le Gothique. On ne peut, Monseigneur ; en douter ; quoique l’inscription soit fruste en partie. Cet autel, fait de pierre du pays, et sans ornement, n’est recommandable que par l’inscription. J’ai fait part de cette découverte à Mgr l’Archevêque, qui en a informé le comte de Caylus. Ce morceau antique semble présager la découverte d’une statue du même empereur ; car si les auteurs ne nous trompent pas, la figure de la divinité à laquelle on élevait un autel était ordinairement placée sur cet autel, pour être présente aux sacrifices qu’on lui faisait. Si je suis assez heureux pour découvrir cette figure, j’aurais l’honneur d’en donner avis à Votre Grandeur, et même de lui envoyer le dessin si elle le souhaite ? »

Le duc est, entre autres titres, seigneur de Saint-Amand donc des terres de Bruère-sur-Cher et d’Allichamps, « ce lieu soumis à sa grandeur. »

Le 7 juin 1774, à nouveau Pajonnet:
« Monseigneur ;

 Les intentions de Votre Grandeur sont pour moi des ordres que j’aurais exécutés, mais lorsque je les ai reçus j’étais occupé de la foi-hommage et dénombrement que je dois à Votre Grandeur pour le fief de la Grange-Bouvron, et j’ai été obligé de céder à ce premier devoir; maintenant qu’il est rempli, je vais me livrer sans réserve à la tâche que Votre Grandeur m’impose par la lettre dont elle m’a honoré. J’ai commencé mes recherches en 1750, et mes fouilles en 1754. Chaque année je faisais passer à M. le comte de Caylus un état de leur produit, et les morceaux dont le transport était facile ; nous devons, Monseigneur; au fin discernement de ce célèbre antiquaire, et à son goût éclairé pour les arts, un recueil d’antiquités, avec supplément. Votre Grandeur connaît sans doute cet ouvrage dans lequel l’illustre auteur célèbre celles de mes découvertes qu’il a jugées les plus intéressantes, telles que la colonne itinéraire, le tombeau gaulois, le camp de César près Drevant, le théâtre de Drevant, celui de Néris, la cité de Cordes, le tombeau et les inscriptions que votre grandeur a paru voir et considérer avec plaisir à Bruère et ici : c’est donc à cette source que Votre Grandeur pourrait puiser avec plus de lumières et de sûreté la notice qu’elle désire; car les planches et les explications insérées dans le troisième et quatrième volume du recueil et dans le supplément sont assez jutes, à quelque chose près. Cependant, par respect pour la volonté de Votre Grandeur ; je vais travailler à la notice qu’elle désire; et j’aurais l’honneur de la lui envoyer dès qu’elle sera faite; elle contiendra beaucoup de morceaux dont M. de Caylus n’a pas parlé; car ses descriptions et explications sont antérieures au 3 septembre 1765, époque affligeante pour les lettres et les arts, et surtout pour moi; car ce seigneur ne bornait pas ses bontés à de vives sollicitations en ma faveur, il avait encore celles de me procurer de fortes protections telles que celles de Mgr le comte de Maurepas qui m’a fait l’honneur de m’en donner plusieurs fois des assurances, et de Mgr l’Archevêque de Bourges qui, au mois de novembre dernier, me fit la grâce de m’écrire qu’il m’avait par deux fois fort recommandé à M. l’abbé Le Prat, auquel j’ai envoyé le mémoire qu’il demandait : mais quoique par ce mémoire j’aie déclaré que je ne désirais qu’une pension sur bénéfice, ces puissantes protections ont été jusqu’ici fort stériles : il est vrai, Monseigneur; que quelques particuliers m’ont offert des secours pécuniaires; que M. l’abbé Romelot, m’a même, dans le temps, pressé d’en recevoir de feu M. le comte de Caylus; mais, loin d’accepter ces secours, je les ai toujours regardés comme aussi opposés à mon état qu’à mes désirs; et je ne varierai jamais sur cette façon de penser. Lorsque je ne pourrai fournir aux frais nécessaires et dispendieux de mon travail, je ferai comme ci-devant, j’enrayerai en attendant une ressource analogue à mon état.

Avant moi, Allichamps était inconnu aux antiquaires ; j’ai commencé à le tirer de la nuit des temps. Un autre plus heureux le fera peut-être revivre ; je n’abandonne point mon projet de le faire connaître par son ancien nom que je crois trouver dans un monument antique, qui est entre les mains de tous les savants ; mais Monseigneur, je fournirai à pas lents cette carrière, parce que j’ai à combattre le talent d’un célèbre académicien. »

Nouvelle lettre au duc de Béthune-Charost du 4 juillet 1774, avec l’envoi de La notice sur ses recherches annuelles de 1750 à 1774:    
« Monseigneur .;           
J’ai l’honneur d’envoyer à Votre Grandeur la notice qu’elle désire; quoique succincte, elle présente une si grande variété de monuments antiques, qu’on ne peut refuser à Allichamps l’idée d’une ville jadis fort considérable. Cependant, Monseigneur ; ce lieu aujourd’hui très isolé, ne présente de toutes parts que la triste empreinte du malheur des temps, peut-être de la fureur des guerres qui l’ont désolé. Sa destruction, inséparable de celle de ses monuments, offre partout la désolante image de son ancienne considération; chaque pas y conduit à de nouvelles découvertes; la terre, docile aux vœux de l’antiquaire, lui prodigue des trésors ensevelis sous des ruines sans nombre : mais richesses affligeantes par le peu de lumières qu’elles donnent, car les figures sont mutilées : les inscriptions altérées ou frustres, les instruments de bronze ou de fer brisés, ou dévorés par les sels de la terre; les vases de verre ou de terre cuite mis en pièces, à l’exception de quelques-uns en très petit nombre. Enfin, Monseigneur ; il n’est peut-être pas de lieu ou les hommes aient moins respecté les monuments, de lieu où les premiers chrétiens aient laissé plus de preuves de leur zèle destructeur ; et où un bouleversement vétéré et total se fasse mieux sentir ; car à plus de six pieds sous terre de profondeur ; et sur l’assise d’une marqueterie de trois couleurs, on a trouvé des fragments de mosaïque, de la peinture à fresques de diverses couleurs mêlées avec les décombres. Pour comble de malheur ; aucun monument n’indique le nom de cette ancienne ville, qui était cependant le point de réunion de trois voies romaines : fait dont ne permettent pas de douter les deux colonnes itinéraires par moi découvertes en 1757, et célébrées dans le troisième tome du recueil de M. le comte de Caylus, pl. CII, n°2 ; mais est-ce donc au malheur des temps, ou à la fureur des guerres que l’on doit attribuer la ruine totale de cette ville ancienne ? Des recherches et des fouilles plus multipliées pourront, dans la suite, nous l’apprendre ; je continuerai les miennes avec ardeur ; et autant que mes facultés me le permettront. Elles seraient plus amples, si les sollicitations de Mgr le comte de Maurepas avaient produit leur effet. La réponse dont ce seigneur vient de m’honorer me laisse espérer quelque grâce ; un mot de sa part à S. E. suffirait, car je ne désire aucun bénéfice. Je suis, etc., le très humble et très obéissant serviteur. »

Ses fouilles demandaient des terrassiers et, même s’il mettait la main à la pelle, il fallait bien payer les ouvriers ou « gens de journées »» qui fouillaient pour lui. D’où un coût sans doute non négligeable qu’il ne pouvait toujours supporter, malgré les « secours pécuniaires » de certains particuliers. Vendait-il le produit de ses fouilles ? Quels étaient les objets ou « morceaux dont le transport était facile » ? S’il s’adresse aux connaisseurs, il le fait auprès de personnes qui pourront l’aider. Le duc de Béthune-Charost va lui permettre de toucher une pension viagère de 1 200 livres après 1774.


Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles

« En 1750 : la voie romaine qui partait de Bourges passait au levant et à 300 pas du clocher d’Allichamps où elle se divisait en deux branches. Une de ces branches passait par Bruère, Drevant, d’où elle conduisait à Néris, Chantelle et Clermont ; l’autre, qui passait par Farges, conduisait à Châteaumeillant, d’où à Argenton et à Poitiers. La première de ces branches est encore sensible au-delà du ruisseau qui la traverse au-dessous de la Grange-Bouvron ; la terrasse de la seconde est encore aujourd’hui bien conservée dans la forêt d’Habert, voisine du bois de l’Espinasse; il est constant qu’un canton de ce bois a été jadis habité par des Gaulois ou par des Romains; car la fouille que j’y ai fait faire pendant une heure seulement, produisit deux bronzes frustres du haut empire, une meule à bras, et des tuiles de fabrique antique. M. le comte de Caylus a parlé de cette voie romaine dans le troisième tome de son recueil d’antiquités, pl. CII, n°2. »

Pajonnet confirme bien l’existence d’un clocher sur l’église d’Allichamps qui sert de point de départ et de repère pour localiser ses fouilles. Nous n’avons pas ou peu de dessins de ce clocher à la croisée du transept qui pouvait abriter plusieurs cloches : deux à cette date en 1750 et deux autres que nous verrons plus loin. Si nous suivons bien la notice de Pajonnet et la progression de ses recherches, c’est par la voie romaine qui borde Allichamps en se divisant sur deux directions (Néris et Argenton) qu’il va étudier de plus près des traces antiques à Bruère (à 2 km de son prieuré), Drevant (à 18 km) et Néris-les-Bains (à 75 km) pour revenir sur le site où il travaille et habite. À Drevant et Néris, des ruines – bien qu’abondamment pillées – sont encore debout et beaucoup plus visibles que maintenant. Et il suffit de faire des trous, un sondage, une tranchée pour trouver quelques restes antiques. Il va se faire la main sur du « connu ». Ce n’est pas tout à fait le cas pour Allichamps.

  • En 1751, 14 actes se répartissent en 5 baptêmes, 3 mariages et 6 enterrements.
    C’est le plus faible nombre annuel d’actes de catholicité.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.

« En 1751: une ronde bosse placée au-dessus de la petite porte de la chapelle de Saint-Sauveur bâtie à Bruère : plusieurs tombeaux antiques encastrés dans les murs de la même chapelle. L’un de ces tombeaux construit selon l’usage des Romains, et chargé de deux bustes dont il ne reste plus que les masses générales, est remarquable par l’inscription gravée au-dessous des bustes, et dont M. de Caylus n’a expliqué que les deux premiers mots, t. III, pl. CII, n°3 »

  • En 1752, 27 actes se répartissent en 15 baptêmes, 5 mariages et 7 enterrements.          
    Pajonnet a 40 ans

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.

« En 1752: l’assiette de l’ancienne ville de Drevant les restes de son théâtre, et des monuments de sa magnificence :de l’autre côté du Cher, et presque vis à vis de cette ville, un ancien camp de César sur la colline (ce doit être Labienus qui a campé là). Au midi et à six lieux de Drevant, l’ancienne cité de Cordes, Caylus t. III, pl. CIV. »

Le passage de Pajonnet à Drevant n’a pas laissé de traces particulières et l’archéologue M. Christian Cribellier ayant travaillé sur le site (« Un quartier d’habitat de l’agglomération antique de Drevant », in Revue archéologique du Centre de la France, tome 35, 1996, p. 113-152) n’en avait pas directement connaissance, sinon par le Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques, romaines et gauloises du comte de Caylus dans le tome publié en 1761.

  • En 1753, 20 actes se répartissent en 10 baptêmes, 6 mariages et 4 enterrements.

Il est étonnant de voir comment un acte de mariage qui, en général, demande une demi-page manuscrite requiert plus de deux pages à cause de différentes autorisations et dispenses venant de l’archevêché du diocèse de Bourges ou d’autres diocèses. Un acte de baptême ou un obit demande quelques lignes seulement.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles

« En 1753 : les ruines de l’ancien Néris et de son théâtre ; un aqueduc dans lequel je suis entré. Caylus t. IV, pl. CX. ».

Le site de Néris est connu depuis longtemps pour ses antiquités et pour ses eaux bénéfiques puisque le haut clergé n’hésite pas à y aller prendre les eaux (comme Georges-Louis Phélypeaux d’Herbault, archevêque de Bourges de 1757 à sa mort en 1787, d’autant plus qu’il est toujours dans son diocèse même s’il est passé de la province du Berry à celle du Bourbonnais !). Comme pour Drevant, le passage de Pajonnet ne laisse pas de traces particulières et, s’il cite de Caylus avec le tome IV de son Recueil d’antiquités publié en 1763, le comte antiquaire ne le signale pas comme informateur, réservant cet honneur à un certain M. Benoit, sous-ingénieur des Ponts et Chaussées en poste à Montluçon en 1759. Pajonnet a cependant bien repéré les éléments alors toujours visibles du site antique : le théâtre et l’un des aqueducs.

  • En 1754, 30 actes se répartissent en 17 baptêmes, 2 mariages et 11 enterrements.

Les feuillets qui habituellement sont officiellement cotés et paraphés par le président lieutenant général de la châtellenie royale d’Ainay-le-Châtel le sont maintenant par celui d’Hérisson.

C’est en février de cette même année que ressurgit la question de l’appartenance du bois des Rougeaux, sur la paroisse de Farges, déjà l’objet d’un litige que l’on pouvait croire réglé en 1734 avec le prieur Lestourneau.

Suite à une enquête demandée par Pajonnet contre Jean-Baptiste Auclerc de la Bergerie qui conteste la possession de ladite partie du bois des Rougeaux, une sentence en adjuge bien la propriété au prieuré (AD 18, B 04246).

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles

« En 1754: Produit des fouilles commencées à Allichamps en 1754. Dans un champ à 380 pas du clocher; et confiné à l’occident par la voie romaine, quelques tombeaux de pierre sans inscriptions. »

  • En 1755, 22 actes se répartissent en 12 baptêmes, 2 mariages et 8 enterrements.

« Le 20 janvier; monseigneur Robert vicaire desservant la succursale de Farges a reçu pour une bénédiction nuptiale en l’église d’Allichamps pendant mon absence », M. X et Melle Y.         

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.

« En 1755 : dans le même champ, beaucoup de tombeaux de pierre aussi anépigraphes, au nombre desquels est le tombeau gaulois dans lequel on trouva des ossements, une large et épaisse boucle de bronze qui fut brisée, et une médaille d’argent de Septime-Sévère avec la légende au revers : Restitutor urbis. Caylus, t. III, pl. CIII, n° I. »

  • En 1756, 25 actes se répartissent en 12 baptêmes, 2 mariages et 11 enterrements

Parmi les métiers les plus fréquemment rencontrés nous avons : laboureur, vigneron, journalier, domestique ; moins souvent cités sont les métiers de fendeur, charbonnier, batelier, voiturier, maréchal, tisserand, tailleur d’habit, taillandier…

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.  
« En 1756: dans le même champ, un grand nombre de tombeaux de pierre et l’inscription que M. le comte de Caylus transcrivit dans son troisième tome, pl. CIII, n°4. ».

Le musée du Berry possède dans un dossier documentaire concernant Allichamps et Bruère des notes manuscrites de F. Pajonnet, lacunaires, écrites au dos de petits mots reçus, en recto verso (le papier est une denrée précieuse, coûteuse et peut-être pas si facile à se procurer au fin fond du Berry !). Deux notes – un brouillon, un double de courrier ? – reprennent la transcription de quatre inscriptions sur des stèles gallo-romaines reprises en partie par le comte de Caylus dans son Recueil :

« [ … ] c’est de ce même champ que j’ai fait tirer les 4 tombeaux et couvercles dont voici les inscriptions imitées pour le caractère autant que je l’ai pu [….] »,

avec une date au verso du 26 décembre 1756.

  • En 1757, 22 actes se répartissent en 6 baptêmes, 7 mariages et 9 enterrements.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.  
« En 1757: dans le même champ, un grand nombre de tombeaux de pierre et les deux colonnes itinéraires célébrées par M. de Caylus, t. III, pl. CII, n° 1 et 2. ».

À ce sujet nous avons retrouvé une lettre de Pajonnet conservée à la Bibliothèque municipale de Besançon (Ms 1443), envoyée d’Allichamps le 22 octobre 1757 (quatre pages). On n’en connaît pas le destinataire :
« Monsieur ;
J’arrivai à Bourges peu après votre départ que l’on m’avoit annoncé plus éloigné. Chagrin de vous avoir manqué que de deux heures je cours chez monsieur Devichy dans l’espérance d’avoir du moins un témoin respectable de la démarche que me dictoit le désir de vous rendre mon respect; mais il étoit également parti et je ne rencontroy que Mr. De Marpon qui me condamna sans égard pour le peu de justesse de l’avis que j’avois reçu, et les regrets de vous avoir trouvé party. Le jugement, Monsieur, ne pouvoit m’en présager qu’un pareil de votre part. Les apparences étoient trop contre moy, je le sentois, et je n’osois prendre la liberté de me justifier par écrit quelque désir que j’en usse.        
Mais après pareille faute quoy qu’involontaire, si tous les sentiments que je vous dois, Monsieur; peuvent avoir quelques droits sur le principe des bontés dont vous m’avez honoré, j’en obtiendray l’oubly et le pardon. Je ne suis coupable que parce que j’ay été trompé. Je n’oserois cependant rompre le silence auquel je me crois condamné, si je n’étois assuré que vous accordès un accueil favorable à tout ce qui peut intéresser l’histoire. Des inscriptions que j’ay découvertes dans mon voisinage sous les auspices sous lesquels je fais cette démarche. Si elle ne me rend pas l’estime dont vous m’avés honoré, elle sera du moins une preuve que j’ay connu tout le prix de cet avantage, et que j’en conserveroy toujours le souvenir ainsy que toute la reconoissance que je vous dois. Voicy, Monsieur; ces inscriptions cy-jointes, le lieu ou elles ont été trouvées, et ce qui a donné lieu de leur découverte.  
J’ay eu l’honneur, Monsieur, de vous écrire à Bourges que l’on trouvoit des médailles dans les champs voisins de ma maison. Un laboureur se plaignait que le soc de son arreau roquoit souvent, c’est son terme, en labourant. Comme ce champ n’est que sable, j’auguray que le soc n’étoit arreté par quelqu’autre chose qu’un roc naturelle. En conséquence je fis fouiller et on trouva des tombeaux de pierre. Je continuay pendant quelques mois et je trouvay enfin des inscriptions et un tombeau singulier sur les collatéraux duquel sont deux figures en relief taillées sur le massif de la pierre, et d’environ quatre pieds un pouce de hauteur: L’une de ces figures représente un homme dont le sommet de la tête et couvert de cette épaisse chevelure que nos anciens gaulois avoient grand soin de se procurer à l’aide d’un savon qui servait aussi à la teindre en rouge. Il tient de sa main droite une longue pique, et dans la gauche un bâton arrondi et plus gros par le bas que par le haut. Ce qui me fait augurer que c’est le bâton ferré, quelque fois brûlé par le bout, qui selon Mezeray était une arme particulière aux gents de pied, et selon Strabon principalement employée à la chasse. La figure de la femme a la main gauche appuyée sur une table longue et tient sur cette table une grappe de raisin, je crois, et dans la main droite une espèce de bourse qui est un peu cassée au fond de laquelle on voit cette figure (un dessin de trèfle à 4 feuilles NDLR).        
Leur habillement est une espèce de pantalon qui passe tant soit peu le genouil. Le reste des pieds est à découvert ainsy que le haut de la gorge et les bras. Je conserve ce tombeau dans son entier et je conserveray de même deux autres tombeaux, un couvercle et deux milliaires sur les quels on lit les cinq inscriptions. J’ai trouvé dans le même champ une espèce de dieu Penate qui a la main droite une peu étendue et la gauche appuyée sur le côté. Je feray encore chercher. Et si je découvre quelque chose de nouveau j’auray l’honneur de vous en faire part.
Il m’est tombé, Monsieur; un livre intitulé Sommaire des histoires romaines contenant les faits belliqueux de Jules César; de Pompée, et de la conjuration de Catilina tirée de Suétone, Saluste et Lucain, et comment le roy Alexandre fut curieux de savoir la naissance du fleuve du Gange, de l’empeschement qui fut donné à ses gents a ce commis et du miracle digne de mémoire qui fut démontré par un ancien homme qui gardoit le passage du dit fleuve de Gange, imprimé par Jean Petit à Paris en 1532. Si quelque chose peut donné de la valeur à ce livre, c’est son impression ; car dans l’ouvrage le bon est comme absorbé par le mauvais. Il transpose des évènements, change des noms et il veut par exemple qu’Avaris soit Auxerre ou Sancerre. Il est vray qu’il donne des détails qu’on ne trouve pas dans les auteurs modernes
J’ay en outre un livre intitulé le « Compost ou Kalendrier du Berger » imprimé à Paris en 1500. Divisé en deux parties, voicy l’intitulé de la première partie :  
 Cy est le Compost et Kalendrier des Bergiers nouvellement et autrement composé qu’il n’étoit par avant. Duquel sont ajoutés plusieurs nouvelletés et enseigne les jours, heures et minuttes des lunes nouvelles et des eclypses du souleil et de lune. La science salutaire des bergiers que chacun doit scavoir et que plus est leur compost et calendrier sur la main en françois et latin tels qu’ils parlent entre eux. L’arbre des vices, l’arbre des vertus et la tour de sapience figurée. Ensemble de la physique et régime de santé d’y ceux qu’est nothonie et fleubothomie. Leur astrologie des signes, étoilles et planettes et physonomie. 
La seconde partie est ainsy intitulée : Levergier d’honneur de l’entreprise et voyage de Naples auquel est compris comment le Roy Charles huitième de ce nom à banniere déployée passa et repassa de journée en journée depuis Lyon jusqu’à Naples, et de Naples jusqu’à Lyon. Ensemble plusieurs autres choses faittes et composées par Révérend Père en Dieu Monsieur Octavien des Gelais évêque d’Angoulême, et par maître André DeLavigne secrétaire de la Royne et de Mr le Duc de Savove. Avec autres. Cette partie contient un journal très détaillé du voyage de Naples, et très exacte partie en vers et partie en prose. Il y a ensuite beaucoup de poésie dont plusieurs pièces sont assez libres. Si ces deux livres sont jugés dignes d’occuper une place dans votre bibliothèque, je vous prie Monsieur de me le marquer, et de vouloir avec eux agréer des assurances du profond respect avec lequel je suis, Monsieur; votre très humble et très obéissant serviteur. »
         

François Pajonnet semble aussi aimer les anciens livres. Où les trouve-t-il ? En fait-il le commerce ? Le premier livre cité a plus de deux cents ans et a été imprimé par l’imprimeur libraire Jean Petit connu sur la place de Paris (mort en 1540). Le suivant, un peu plus ancien encore, est aussi répertorié dans le data.bnf.fr de la Bibliothèque nationale de France.   

La première inscription mentionnée est celle de la colonne qui marque le centre de la France à Bruère-Allichamps. Le comte de Caylus, que nous citons plus loin, fera des premières traductions dans le troisième volume de son Recueil publié deux ans plus tard, en 1759. Il est émouvant de retrouver le premier commentaire de l’inventeur de ce « tombeau » trouvé suite aux remarques d’un laboureur qui butait sur un obstacle imprévu. Pajonnet ne doit pas encore avoir compris qu’il s’agit d’une borne, alors que pour les 4ème ou 5ème inscriptions, il en serait presque sûr. Il faut dire qu’il manque la partie supérieure de l’inscription rabotée quand on a taillé la borne en sarcophage et qui est la titulature d’un empereur (Sévère Alexandre 222-235 ? Maximim le Thrace 235-238 ?) suivie des trois distances entre AVAricum/Bourges à 14 lieues gauloises, MEDiolanum/Châteaumeillant à 12 lieues et NERis-les-Bains à 25 lieues. Ces inscriptions seront traduites à nouveau par Buhot de Kersers.

Bien que non daté et en relation avec la borne milliaire, ce « billet » de François Pajonnet (AD 18, F 613 n° 90) nous donne un apercu de ses réflexions et connaissances et références historiques :      
 « […] citons Ammien Marcellin cet historien assez exact, parlant de la jonction du Rhône et de la Saône, ajoute que ce lieu est le commencement des Gaules où l’on cesse de compter par mille pas, et ou la lieve est la mesure des chemins, il est donc constant que les Gaulois avoient une mesure itinéraire qui leur étoit propre et particulière que leurs voyes publiques étoient divisées en distances, et que chacune de ces distances étoit marquée par une pierre, comme on doit l’insérer du mot leuca. Cambden semble le décider dans la description de l’Angleterre lorsqu’il nous invite à tirer le mot Leuca du mot gallois ou celtique Leach qui signifie une pierre. L’invitation de ce docte anglais tend et doit en effet nous conduire à la persuasion, car si le mot celtique Leuca, lieue, se tire du mot Leach, pierres, ces deux mots s’accordent et se réunissent pour nous prouver que chez les Celtes le mot Leuca exprimait non seulement une lieue, mais encore la pierre placée pour fixer la longueur de la lieue. Tel a été le sentiment du célèbre [….] qui dans son traité de la lieue gauloise nous dit que de la signification propre du mot Leuca on doit insérer que les Gaulois étoient dans l’usage de marquer les lieues par des pierres. »       
Ammien Marcellin est un historien romain de l’antiquité tardive (330-395). Cité plus loin, William Cambden est un historien anglais (1551-1623). Quant à D’Anville (Jean-Baptiste Bourguignon), c’est un con temporain géographe et cartographe (1697-1782), auteur d’un Traité des mesures itinéraires des Romains et de la lieue gauloise publié à Paris en 1741.

  • En 1758, 17 actes se répartissent en 8 baptêmes, 1 mariage et 8 enterrements.

Au début du mois de mai, notre prieur reçoit ce mot (AD 18, F 613, n° 100) posté de Paris le 4 mai, écrit certainement par Denis Dodart (1698-1775). Il est intendant de la généralité de Bourges (justice, police et finances du Berry) de 1728 à 1765 et circule entre la capitale et la province :

« J’ai reçu Monsieur par M. Perrier les descriptions des monuments de Drevant et d’Alichamp que vous aviés bien voulu nous indiquer. Je les ai remises à M. le Comte de Caylus avec vos réponses à ses questions, il m’a paru fort content du tout. Il vous remercie de la part que vous avés bien voulu y prendre et il conte en faire un bon usage surtout après avoir lu le mémoire que vous nous annoncés, ce que nous recevrons avec grand plaisir. Je suis très sincèrement, Monsieur; votre très humble et très obéissant serviteur. »

Les jours se suivent… et « le 8 août le corps de Marie Chantelat âgée de 75 ans décédée d’hier en cette paroisse veuve de défunt François Pajonnet a été inhumée dans l’église de cette paroisse par nous curés sous-signés » : M. Leveillat (?) prieur de Vallenay, M. Simond curé de La Celle-Bruère, M. Nugrier (?) curé de Saint-Loup. François Pajonnet, prieur d’Allichamps, n’a pas signé ces actes de décès : celui de sa mère, comme celui de son père décédé douze ans plus tôt en 1746. Sa mère habitait sur place et peut-être devait-il l’héberger ? Il a alors 46 ans.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.  
« En 1758: dans le même champ, beaucoup de tombeaux de pierre, sur l’un desquels était une petite table d’une pierre dont le grain est très blanc et brillant, trois inscriptions rapportées par M. de Caylus, t. III, pl. CIII, n°5 et 6. »       

  • En 1759, 24 actes se répartissent en 9 baptêmes, 5 mariages et 10 enterrements.          
    En janvier, Pajonnet marie deux sœurs, filles d’un meunier : la première jeune fille a 13 ans et est unie à un jeune meunier de 22 ans, et sa sœur de 16 ans à un autre meunier de 30 ans !

    « Le 29 septembre ouverture de l’ordonnance […] de M. Vallet procureur fiscal et de luy signée en date de ce jour, le corps de Jean inconnu, trouvé mort le jour précédent dans le ruisseau de la fontaine d’Orgueil demeurant chez Michel Jauner (?) laboureur au domaine de la Bergerie dans le territoire de notre succursale de Farges, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse. » Dans la marge de cet acte, Pajonnet signale que Jean est noyé.

    Fin octobre, notre prieur reçoit cette lettre (AD 18, F 613, n° 99) de l’intendant Denis Dodart postée de Bourges, le 29 octobre :        
    « Je vous suis très obligé, monsieur, de l’intérêt que vous prenés à mon retour dans la province. Il m’aurait été infiniment plus agréable sans la nécessité que les affaires publiques m’imposent de faire bien du mal à des gens à qui je ne voudrais que faire du bien. J’avois su le désastre que la grêle vous avoit causé et je m’en suis d’autant plus affligé qu’il n’étoit pas en mon pouvoir d’y remédier. J’accepte les curiosités naturelles que vous m’offrés, mais à condition, et non autrement, qu’elles ne vous couteront rien ou que vous ne coutant que peu de chose je pourray vous en dédommager. En ce cas vous me ferés plaisir de me les envoyer par quelqu ‘occasion. Et si elles en valent la peine, je les feray déposer au cabinet du Roy du Jardin royal ou j’ay envoyé celle que j’ay anciennement trouvé dans ces environs cy. Quant à l’amphithéâtre de Néri dont vous me parlés je vous conseille d’en écrire directement à M. le Comte de Cailus. Il est [….] volonté à faire les frais qu’il pourroit vous occasionner, et je suis tellement surchargé dans ce moment y et pour longtemps d’affaires, d’affaires fort désagréables qu’il ne m’est pas possible de m’occuper d’autre chose. J’ai été fort fâché de ne pas voir M. de Bigny quand il a passé ici. J’envoyay le lendemain matin le prier à diner, mais il venait de partir, Faites luy je vous prie ainsy qu’à Mme la marquise mes très humbles civilités. Je suis de tout mon cœur, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur ».

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles (qui vient confirmer la tempête de grêle)            
« En 1759: dans le même champ, quelques tombeaux anépigraphes. L’affreuse grêle qui ravagea la paroisse me mit hors d’état de fournir aux frais de mes fouilles que je cessai de continuer. ».

C’est cette année que paraît le tome III du Recueil des Antiquités du comte de Caylus qui introduit les antiquités gauloises – une nouveauté pour un ouvrage de dimension nationale – et qui honore les découvertes de notre prieur berrichon ! On comprend mieux comment Pajonnet a été aidé. N’oublions pas qu’il est originaire de Bourges, qu’il y a grandi et qu’il a dû y faire la connaissance de ces amateurs d’antiquités si lui même y était sensible et intéressé… et un peu soutenu par l’intendant !

Voici ce qu’écrit le comte archéologue en introduction de la planche de dessins CII :

« La province du Berry étoit le centre de la conquête des Romains dans les Gaules, par conséquent il leur étoit important de la conserver. Si elle était examinée avec soin dans toutes ses parties, on aurait non seulement des preuves de son ancienne magnificence, mais des éclaircissements géographiques par rapport à la Gaule en général, et aux mouvements de guerre que ce pays a soutenus en particulier. M. Dodart. Intendant de cette Province, et l’un de mes plus anciens amis, pourra me fournir; comme il l’a fait dans cette occasion, les movens de connaître la richesse des autres cantons. Celui dont je vais rendre compte a été examiné en partie par M. Périer; alors ingénieur des Ponts et Chaussées dans cette Province; et c’est d’après ses dessins, levés sur le terrain, que je rapporte le théâtre que l’on verra plus bas. M. Pajonnet, Prieur d’Alichamps s’est donné les plus grandes peines, pour remplir les vues d’un Intendant sage et éclairé, qui regarde ses recherches comme utiles à l’histoire de la Province qu’il est chargé de conduire : j’ai profité de ces secours, pour faire connoître quelques endroits de ce pays, qui étoient recommandables du tems des Romains.    
Ce début sincère me paroît cependant trop modeste pour un Antiquaire qui présente des matières neuves, et qui, entre autres circonstances, se trouve, pour ainsi dire, à la tête d’un camp des Romains, et d’un théâtre ; sans parler d’une Colonne Milliaire, qui ne peut être comparée qu’à une seule de toutes celles que l’on connoît aujourd’hui. Je ne dois point finir l’article de ma reconnaissance sans faire mention des obligations que j’ai en cette occasion à l’amitié de mon Confrère M. l’Abbé Belley. Il a bien voulu arranger, mettre en ordre, et placer dans leur véritable position les Plans et les Desseins que j’avois reçus de M. Dodart.
 »

Et concernant les premiers dessins de cette planche qui représentent la fameuse borne milliaire (découverte en 1757). Caylus poursuit :       
« N°1. Alichamps est une paroisse du Diocèse de Bourges, située sur la rive droite du Cher, à huit lieues au sud de Bourges, à un quart de lieue au Nord de Bruyère, à deux lieues Nord-Ouest de S. Amand, et à trois petites lieues de Drevant. Le grand chemin de Bourges à S. Amand passe à 300 pas au Levant du Clocher d’Alichamps, et c’est dans tous ces environs qu’on a trouvé beaucoup de tombeaux en pierre, et des Inscriptions. M. Périer dont j’ai parlé plus haut, les a visités, et j’ai eu les desseins exacts qu’il en faits. Ils donnent des preuves complettes de son intelligence, et de l’étendue de ses connoissances. Le plus considérable de ces monuments est représenté sous ce Numéro. Il fait voir une Pierre sur laquelle on lit cette Inscription écrite en très beaux caractères Romains [….]
 »    
Suivent le texte en latin, les explications sur la partie manquante, son utilisation en sarcophage, la traduction, la rareté de ce genre de colonne, les trois directions qu’elle indique, etc. Puis de nouvelles informations :
« On voit encore à Alichamps, et dans un espace assez considérable, les restes de l’ancienne chaussée de Néris à Bourges; on l’appelle aujourd’hui la Levée de César; et M. le Prieur d’Alichamps s’est convaincu, par des fouilles qu’il a fait faire, que la construction de ce chemin est absolument Romaine. Il a vu par lui-même, et dans le plus grand détail, les quatre lits, l’espèce des matériaux, enfin toutes circonstances nécessaires pour regarder cette voie comme un ouvrage des Romains. Malgré le déplacement que cette Colonne Milliaire a éprouvé, pour être taillé en tombeau, on retrouve encore la justesse des anciennes distances. La lieue Gauloise de 1500 pas étoit environ égale à une demi-lieue commune de France, ou de 1140 toises; et Alichamps est à 6 ou 7 lieues de Bourges, à 6 de Château- Meillan, et à 12 ou 13 de Néris. Je ne puis rien dire de l’ancien état d’Alichamps; j’ignore s’il étoit au rang des Villes sous l’empire Romain, et quel étoit son nom ? Le grand nombre de tombeaux, les médailles et autres monuments qu’on y a trouvés, prouvent du moins que le lieu étoit considérable. Nous savons que dès le tems de César la Cité des Bituriges étoit très puissante, et que, sans compter la Capitale, Oppidum Avaricum maximum, elle contenoit plus de vingt autres Villes, Amplius XX Urbes. Il est constant qu’elles furent brûlées par les Gaulois mêmes, et que vraisemblablement elles furent rétablies sous le Gouvernement pacifique de Romains. ».

La planche suivante CIII présente des découvertes de 1755 à 1758 que l’on retrouve dans la notice de Pajonnet de 1774 : il note bien les références pour chaque année. Le comte de Caylus nous apporte ces autres informations : 
« Au reste, on m’a envoyé les desseins de cinq autres tombeaux : leur inutilité m’empêche de les rapporter. Je crois cependant devoir dire qu’il y en a un sur lequel on voit une Inscription sépulcrale et chrétienne. Les caractères indiquent qu’elle est du cinquième ou sixième siècle […] Je n’en fait mention que pour donner une preuve du tems que cette ancienne Ville a subsisté. On ignore le nom qu’elle portoit autrefois; on m’a écrit qu’elle étoit connu par la tradition du pays sous le nom d’Elisii Campi ou d’Ali Campi dont on a fait Alichamps, et l’on cite à cette occasion le Dictionnaire de Trévoux. Je dois ajouter que tous les morceaux de la Province du Berry, que j’ai rapportés, sont de pierre du pays. »

Le comte de Caylus rapporte-t-il simplement ces informations ou est-il venu en Berry ? A-t-il rencontré Pajonnet en Allichamps, à Bourges ? Ni l’un ni l’autre ne nous l’apprennent.

Le dictionnaire de Trévoux est un ouvrage historique synthétisant les dictionnaires français du XVIIème  siècle, rédigé sous la direction des Jésuites entre 1704 et 1771, mais nous n’avons pas trouvé Allichamps dans les versions numérisées consultées.

La planche CIV est consacrée à Drevant, son théâtre, le camp de César et « la ville de Contres », ces lieux se retrouvant sur les bords de la voie romaine qui passe à côté d’Allichamps en allant sur Néris. Perrier y a travaillé en levant des plans, mais on ne sait pas si c’est avec Pajonnet ? La « ville de Contres » dite proche du village de Châteloy est un ancien oppidum situé sur la commune d’Hérisson dans l’Allier.

  • En 1760, 22 actes se répartissent en 10 baptêmes, 4 mariages et 8 enterrements.          
    Les feuillets des registres sont à nouveau cotés et paraphés à Ainay-le-Château. Rappelons qu’entre juin 1760 et décembre 1765, c’est François Pajonnet qui s’occupe directement des registres de Farges. C’est donc une charge supplémentaire que nous évoquerons de 1761 à 1765.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.  
« En 1760, privé de toutes ressources par le fléau de l’année précédente, je ne pus reprendre mes fouilles. ».

Fin octobre Pajonnet reçoit une lettre d’un certain Dom Précieux, écrite de l’abbaye Saint-Sulpice de Bourges le 25 octobre :         
« Vous avez entre les mains, Monsieur ; le troisième volume des Antiquités de M. le comte de Caylus. Je sçais qu’il vous en a fait présent. Sans doute y avès vous lu ce qu’il dit des morceaux que vous avès découverts à Alichamps, dans la description du monument n°1, planche CII, c’est à dire de la première colonne milliaire et la plus belle ; il dit dans l’inscription (Cos. III) dans celle que j’ai prise sur le monument même, je crois avoir lu (Cos. IIII). Vous êtes à portée, Monsieur ; de vérifier la chose, donnès vous la peine d’examiner encore une fois cette colonne, et vous décidés bientôt s’il est écrit III ou IIII; vous sentés de quelle conséquence serait ce consulat pour attribuer le monument à tel ou tel empereur. Faites-moi le plaisir de m’envoyer votre décision à la première occasion. J’ai toujours espéré avoir l’honneur de voir Alichamps ce voyage cy; mais les mauvais temps et les mauvais chemins commencent à m ‘épouvanter, et dois bientôt partir pour retourner à Paris. Si vous avés quelques nouvelles découvertes pour notre histoire, concernant le Berry et le Bourbonnais, je vous prie en grâce de m’en faire part. Je vous en aurai la plus grande obligation ; je vous en ferai l’honneur qui vous est dû. Personne ne fait plus de cas que moi de vos recherches et de votre travail ; personne aussi n’est avec plus d’estime et de considération que j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. »   

Dom Jacques Précieux est un historien bénédictin parisien qui faisait partie de la congrégation de Saint-Maur. Il avait été chargé de travailler sur l’histoire du Berry et du Bourbonnais. Il est rappelé sur Paris en 1763 pour continuer le Recueil des historiens des Gaules et de la France (1767) avec Dom Poirier et Dom Husseau. Tous les matériaux de l’histoire du Berry et du Bourbonnais furent remis à Dom Turpin mais ils disparurent dans l’incendie de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés en 1792.

Notre prieur ne correspondait donc pas avec n’importe qui. Le décalage est assez grand entre son travail de prieur curé desservant à ce moment-là deux paroisses (Allichamps et Farges) et des paroissiens très modestes et frustes, et ses préoccupations d’entrepreneur de fouilles et plus intellectuelles « d’archéologue » avant l’heure qui se pose des questions de transcription, de datation et essaie d’interpréter ses découvertes, s’appuyant à la fois sur des connaissances, une pratique de terrain avec ses fouilles, des échanges avec d’autres antiquaires. On sent qu’il développe un sens critique tout comme il peut affirmer un peu rapidement en manquant de nuances.

Nous avons une réponse de Pajonnet à Dom Précieux, non datée, mais sans doute assez proche de la lettre ci-dessus:         
« J’ay fait, Monsieur, le voyage de Bourges ainsi que j’avais eu l’honneur de vous l’écrire. Je me rendis à votre maison de Saint-Sulpice dans l’intention de conférer avec vous. J’appris de M. l’Abbé, votre départ pour Paris, votre observation sur l’omission d’une unité est très juste. On lit sur l’original que je conserve Cos. IIII et vous pouvés en toute assurance partir de l ‘à pour l’attribution au Consulat. Mais permettés moy, Monsieur de témoigner ma surprise sur l’inattention qui fait échapper à votre sagacité des observations essentielles sur le tombeau gaulois. Votre silence à cet égard m’en impose au point que je n’ose icy risquer l’explication de cet ancien monument, dans la crainte de me tromper moi-même. J’ay découvert encore cinq tombeaux de même goût que celui de la planche III n° 4. Ils sont également encastrés dans le mur. Si vous en souhaittes le dessein, je tacheray de vous le procurer. La tête n° 5 de la même planche est fort mal rendue. »     

  • En 1761, 16 actes se répartissent en 10 baptêmes, aucun mariage et 6 enterrements.    
    Avec les 19 actes de Farges cela fait 35 actes, ce qui n’est pas plus que les hautes années d’Allichamps, déplacements en sus. Pour continuer la liste des métiers rencontrés dans les registres, nous avons cabaretier, carrier, aubergiste, boulanger, charpentier, vitrier, couvreur, sabotier, charretier, un concierge. De temps en temps sont nommés des bourgeois qui savent signer les actes. Leur enterrement se fait souvent – notoriété oblige – en présence de plusieurs curés : Jean Tissier d’Uzay-le-Venon, Simon de La Celle-Bruère et notre prieur Pajonnet.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.  
« En 1761: premières fouilles dans le champ appelé Terres-Noires, confiné à l’orient par la voie romaine, et au nord par le chemin qui conduit d’Allichamps à la voie romaine, on y trouva des ruines d’édifices, un hourdage fort dur; des briques à cannelures, des médailles du haut et bas empire, une cornaline sur laquelle est gravée une tête de femme. Beaucoup de fragments de vases, de verre et de terre cuite, des parures de soldats. Caylus, supplément, pl. LXXXIX. »

 
Cette année paraît le tome IV du Recueil des Antiquités du comte de Caylus dont le titre maintenant comprend les antiquités gauloises. Pajonnet y fait référence dans sa notice de 1774 pour l’année 1753 où il dit avoir travaillé sur « les ruines de l’ancien Néris et de son théâtre ; un aqueduc dans lequel je suis entré. Caylus t. IV, pi. CX». Il y a bien un plan de la ville Néris-les-Bains (dans l’Allier maintenant, mais qui autrefois faisait partie de la cité de Bituriges et, au XVIIème siècle, du diocèse de Bourges) avec des commentaires de Caylus : mais il ne signale pas une fois notre prieur. Le 22 janvier 1761, nouvelle lettre de Dom Précieux :     
« Par la seconde lettre que j’avois l’honneur de vous écrire de Bourges, je vous mandais, Monsieur, que j’étois sur le point de retourner à Paris. Je crois même vous avoir marqué le jour de mon départ. Deux choses m’ont fâché très fort. La première de n’avoir pas pu aller à Alichamps; la seconde d’avoir été privé du plaisir de vous voir à Bourges. J’aurois eu une vraie satisfaction de conférer avec vous sur les antiquités de notre Berri, dans lesquelles vous êtes plus instruit que personne. Peut-être aurois-je réussi à vous convaincre qu’il ne reste rien dans mon esprit, et moins encore dans mon cœur, de ces préjugés et de ces préventions dont vous me parlés si fréquemment dans vos deux lettres. Vous me reprochez de vous avoir fait une réponse de Paris marquée au coin de la dureté. Je ne me reconnais pas là, Monsieur, et je n’en ai pas la plus petite idée. Le mécontentement que m’avais donné les plaintes de M. l’Intendant au sujet de la communication des antiquités d’Alichamp ou je n’avois aucune part m’avoit à la vérité donné un peu d’humeur, mais je ne croits pas vous en avoir jamais rien fait rejaillir ? Au reste ce sont de ces misères que gens occupés à la littérature solide, doivent se passer, et les oublier, pour ne se faire que de choses intéressantes. En un mot j’étais si peu prévenu contre vous, que quand M. Triboudet me dit que vous vous étiés plaint de moi, j’en fut très surpris, je déclaré que je ne vous en avois jamais donné occasion. C’est en conséquence que je ne vous en ai pas dit le mot dans mes deux lettres. Je n’en aurois pas encore parlé dans celle cy, si dans votre dernière, vous ne reveniés deux fois sur ce même objet, et très certainement je ne vous en parlerai plus. J’aime mieux vous remercier de la certitude que vous donnés du Cos. IIII et des offres que vous me faites de me communiquer d’autres monuments. Je les recevrai toujours avec plaisir; Monsieur, et avec actions de grâces. L’amour que vous avés pour votre province, vos talents, votre appli- cation, votre zèle doivent nous faire agir de concert pour en relever les faits historiques les plus intéressants. J’ai peine à croire que le cachet dont vous avés scellé votre lettre, soit d’une antiquité bien reculée mais comme l’empreinte paroît faite à deux fois, et qu’elle n’est pas bien nette, vous me ferés plaisir; Monsieur, si vous voulés bien m’en envoyer une autre. Quant au monument Gaulois de la planche CIII, je ne suis pas dans le cas de vous faire part de mes observations, puisque je n’en ai fait aucune : l’étendue de mon objet ne me permet pas de me livrer indifféremment tout entier à chaque partie. J’attendrai et je verrai ce que vous aurés travaillé sur ce monument. Je suis actuellement occupé aux conciles de la Province et de la Metropolle. L’article est trop important pour pouvoir m’en distraire un long temps. Je voudrais bien, Monsieur; que l’on vous mit en situation de continuer à l’aise des recherches qui exigent beaucoup de travail et de la dépense. Si je puis contribuer en quelque chose, ne m’épargnés pas. Je ne désire rien tant que de prouver l’estime singulière et respectueuse avec laquelle j’ai l’honneur d’être, Monsieur; votre très humble et très obéissant serviteur. »   

  • En 1762, 35 actes se répartissent en 13 baptêmes, 5 mariages et 15 enterrements.

Avec les 26 actes de Farges, cela fait 61 actes. Une grosse année de travail pour notre prieur qui vient d’avoir 50 ans.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.  
«  En 1762 : dans le même champ, des médailles de bronze, des agrafes de différentes formes, et une cuiller pliée en feuille de saule de même métal, une petite cuiller d’ivoire, des médailles gauloises en bronze, et une d’argent. »

  • En 1763, 22 actes se répartissent en 14 baptêmes, 4 mariages et 4 enterrements.

Avec les 25 actes de Farges cela fait 47 actes. Dans la marge de certains actes (obit ou enterrement), il y a la mention « », soit seule, soit avec « luminaire » et une autre fois « avec 6 cierges ». Ces actes étaient tarifés, c’est ce que l’on appelait le casuel. Avec les messes dites en mémoire de défunt et tout ou partie de la dîme, les ressources étaient très variables d’une paroisse à l’autre et, bien sûr, fonction de la richesse locale… ou l’inverse.   
«Le neuvième jour du mois de novembre la petite cloche de cette église a été bénite par moy soussigné chanoine De Sales et a été nommée Louise par M. Louis Vallet […] procureur fiscal des terres de Bruère, Orval, Epinevil et Saint-Amand, et par demoiselle Madeleine Gantellat des Tarnaux représentant M. Vallet, messire Charles Robin chevallier de Châteaufer colonel directeur d’artillerie chevallier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, et la dite demoiselle des Tarnaux représentant mademoiselle Louise Catherine Charlotte Robin du Sausay qui a signé avec Monsieur Vallet, la dite demoiselle Gantellat des Tarnaux et le sieur Pajonnet, prieur curé de cette paroisse. » Le chanoine Desmaves de Sales est resté quelques jours en Allichamps puisqu’il accompagne déjà le 6 novembre Pajonnet pour un baptême d’enfant, celui de la cloche ayant lieu le 9.  
Au cours de ce même mois de novembre, le 25, une minute notariale (AD 18, E 22009) nous signale la signature d’un compromis entre le curé d’Allichamp et Farges, et celui de Nozières, François Gandillon. Mais le document n’est pas assez lisible pour comprendre les raisons du litige qui devait porter sur des droits de suite.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles

« En 1763 : dans le même champ, partie du rez-de-chaussée et des fondations d’un ancien édifice; dans la première pièce fort grande, traversée par des murs qui paraissent annoncer un portique ouun atrium, on trouva des médailles du haut-empire, des agrafes de différentes formes, dont quelques unes argentées, le tout en bronze, une médaille en argent de Marc-Aurèle, une cornaline et une agate noire gravée. »

  • En 1764, 28 actes se répartissent en 12 baptêmes, 3 mariages et 12 enterrements. Avec les 18 actes de Farges, cela fait 46 actes.

Notice de 1774 de Paionnet sur le produit de ses recherches et fouilles.

« En I764 : en continuant le déblai de cette pièce, on découvrit les fondations de plusieurs petits appartements dont quelques uns pouvaient être de gynécées, ce que paraissent annoncer les différents pavés que l’on trouva. Deux de ces pavés étaient de briques fort épaisses et formé en X, en sorte que posées, elles présentaient à l’oeil une espèce de parquet, une autre de ces chambres était pavée d’une pierre grise fort lisse, couverte d’un enduit léger; mais tenace, et doux au tact. Sur ce pavé étaient peintes différentes ordures, en sorte que cette chambre paraissait n’avoir pas été balayée; dans les décombres, on trouva une médaille d’or de Vespasien, dont le revers est chargé de son triomphe, des bronzes du haut-empire, une onyx noire et bleue sur la laquelle est gravée un Harpocrate en pied, une cornaline, avec la tête en creux de Marin, une agate fort petite sur laquelle est gravée une tête fort ressemblante à celle de Posidonius, le palleron d’une cuiller d’argent, une cuiller d’ivoire, des fragments de vases de verre et de terre cuite

  • En 1765, 32 actes se répartissent en 20 baptêmes, 2 mariages et 11 enterrements. Avec les 24 actes de Farges, cela fait 56 actes.

C’est par le père René Challet (Bulletin n° 12 des Amis du musée Saint-Vic, 1984) que l’on apprend cette information sur Pajonnet, toujours préoccupé de ses revenus : un état très concis du prieuré Sainte-Catherine de Meillant fut établi après la mort de son prieur et comprenait : « Une maison prieurale où il y a quelques réparations à faire. Quelques pièces de prés. Une vigne, située près de Saint-Amand, adcencée au sieur Pajonnet, prieur d’Allichamps, moyennant 24 livres. Deux autres vignes, l’une de 30 livres et l’autre de 20 livres. Environ 280 boisselées de terres données à plusieurs particuliers de Meillant. » Parmi les particuliers se trouve Clause Etienne Lerasle, curé de Meillant, qui loue la ferme de la maison pour 24 livres et fut prieur très temporaire d’Allichamps en 1740 ».

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.

« En 1765 : en continuant de déblayer les ruines de cet édifice, on découvrit plus loin, au midi, une pièce plus large que les petits appartements, dans cette pièce était une petite cuvette fait de marqueterie de Blanche, et assise sur un ciment fort épais et si dur qu’il résistait à la pointe d’un pic armé d’acier. Cette cuvette tenait une marqueterie de trois couleurs; le blanc en faisait le fond : le rouge et le noir employés sur ce fond formaient des fleurs très agréables et bien espacées. L’accord et la sagesse des couleurs étaient très bien entendus; au sud-ouest de cette pièce on découvrit une citerne revêtue de quatre murs à petits parements, comblée de pierres et de décombres, et dont le dessus était couvert d’un hourdage épais et fort dur; je la pris d’abord pour un impluvium : mais la source que je vis sourdre à huit pieds de profondeur s’oppose à cette idée. Le jet de cette source était arrêté par les pierres et les décombres que je fis tirer de cette citerne large et profonde. Dans les décombres de cette pièce pavée de marqueterie, on trouva des pierres gravées, de la peinture à fresque de diverses couleurs, deux strigiles, un petit vase de verre à deux anses et la plus belle forme, sans ponty, et qui avait conservé l’agréable odeur d’un excellent parfum, un camée enchâssé dans de l’argent avec une bélière. Le fond est bleu, un peu moucheté de blanc, la tête qui ressemble assez à celle d’Othon ou de Domitien-César, est d’un blanc de chair très beau. La draperie du buste est un peu gâtée. Un clou de plomb, un morceau de cire, un métal qui paraît avoir fait partie d’un tuyau. Tous ces morceaux semblent annoncer un bain domestique. ».

Le comte de Caylus meurt le 5 septembre 1765.

  • En 1766, 35 actes se répartissent en 13 baptêmes, 3 mariages et 19 enterrements.

« Le 24 janvier le corps de Catherine fille de Charles Robin laboureur et de Marie Roland, décédée le jour précédent âgée de 4 mois a été inhumé dans l’église de cette paroisse à cause des fortes gelées. ».

Hiver rigoureux donc avec 19 enterrements cette année-là, la plus forte avec 1747. Le 2 février suivant, on enterre à nouveau dans le cimetière. Les défunts les plus modestes sont rarement enterrés dans l’église.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles

« En 1766: dans un autre champ appelé Terres-Noires et séparé du précédent par le chemin qui conduit d’Allichamps à la voie romaine, on découvrit plusieurs ruines d’édifice, un hourdage fort dur qui règne dans toute la partie supérieure de ce champ que l’on a fouillé, des médailles en argent et en bronze, du haut et bas empire; beaucoup de ces bronzes cassés en deux indiquent des tessères d’hospitalité, des agrafes de même métal et de différentes formes, dont quelques-unes argentées, un petit vase de terre cuite bien conservée, beaucoup de fragments de vases de verre et de terre cuite, deux creusets »

Le 22 mars 1766 l’Intendant de la Généralité du Berry envoie cette petite lettre à notre prieur Pajonnet. M. de Saint-Maur succède à Denis Dodart, mais apparemment en 1767. C’est d’ailleurs peut-être pour cette nouvelle charge qu’il fait faire des travaux dans sa maison de Bourges :

« Je serai effectivement fort aise, Monsieur, de voir les morceaux antiques que vous avés découverts soit dans la paroisse d’Alicamp ou dans les environs. Sans être à beaucoup près aussi connoisseur que feu M. le comte de Cailus je me suis souvent fait un plaisir de ce qui étoit pour lui une étude. Je serois fâché toutefois que vous vous donnassiés la peine de rien transporter à Bourges. D’abord vous ne seriés par sur de m’y trouver; par ce que ma maison étant pleine d’ouvriers ce qui la rend peu logeable; je serai obligé de passer la meilleure partie de l’année dans mes terres et je ne ferai que des apparitions ici. D’ailleurs je compte aussi aller de temps en temps passer quelques jours à Châteauneuf chés M. le marquis de L’hopital. Je serai moiennant cela plus près de vous et à portée d’aller voir moi même vos richesses, ce qui est bien plus naturel que de vous donner la peine de me les apporter. Je suis sincèrement votre très humble et obéissant serviteur. »

Les intendants ont dû se passer le message à propos de l’intérêt des travaux de Pajonnet.

  • En 1767, 21 actes se répartissent en 6 baptêmes, 2 mariages et 13 enterrements. Il arrive quelquefois que l’enfant baptisé soit né de père inconnu. D’autre part, les remariages sont très fréquents vu le nombre de personnes veuves jeunes.


Le 16 août, Pajonnet est cité comme témoin, avec un certain Barraud-Gauthier, desservant de Farges, de l’acte de décès (registre paroissial de La Celle) d’une dame Marie Coulom morte la veille.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.

« En 1767 : deux futs de colonne de pierre, des bronzes de haut et bas empire, des agrafes de différentes formes et grandeurs, dont quelques-unes argentées, des parures de soldats, des clous, une clef, le tout en bronze, une clef de fer, deux morceaux de flûtes, la pointe d’un javelot faite de cailloux, quatre meules à bras, trois puits cintrés avec des mardelles. »

  • En 1768, 18 actes se répartissent en 12 baptêmes, pas de mariage et 6 enterrements.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.

« En 1768: des médailles gauloises dont une en argent, beaucoup du haut et bas empire dont trois en argent, des agrafes de différents formes, des parures de soldats, des clous, le tout en bronze, un strigile de fer, des poids de terre cuite et de forme pyramidale, trois meules à bras, beaucoup de fragments de vases de verre et de terre cuite, un creuset, trois petites sonnettes. »

  • En 1769, 24 actes se répartissent en 14 baptêmes, 3 mariages et 7 enterrements.

Un « agent de Château Lefer » est enterré cette année-là en présence du prieur curé Battelier d’Uzay-le-Venon et de M. Simon, curé de La Celle-Bruère. Les défunts sont en général inhumés le lendemain de leur décès.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.

« En 1769: des médailles en bronze et en argent, des agrafes, des parures de soldats, et deux clefs de bronze, une de fer; une petite cuiller; et une aiguille ou lacière d’ivoire, des tessères d’hospitalité, des meules à bras, et deux puits. ».

Début novembre, Pajonnet reçoit une lettre d’un Monsieur de Saint-Victor, envoyée le fer novembre 1769 de son château de la Motteville. C’est plus qu’une lettre car elle comprend plusieurs pages et elle s’adresse à un confrère antiquaire : nous en reproduisons la plus grande partie, celle qui reflète cette ambiance aristocratique, entre gens sinon du beau monde mais du moins « éclairés », ambiance simple mais raffinée, où l’on parle un français élégant et sensible.

N’oublions pas que nous sommes au siècle des Lumières et que l’effervescence culturelle avec les encyclopédistes, les philosophes, etc. bat son plein. Nous avons retrouvé par Généanet la trace de Louis-Robert de Saint-Victor, né à Rouen en 1738, décédé en 1822 à Ancrétieville-Saint-Victor, commune de Seine-Maritime. Conseiller au Parlement de Rouen en 1758, président de la Chambre des comptes de cette même ville en 1775, il possède un cabinet d’art renommé composé de pierres précieuses, médailles, bronzes antiques, tableaux, gravures, ouvrages. Il est reçu à l’Académie royale des sciences, des belles lettres et des arts en 1766 et à celle de l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge (société religieuse et littéraire) en 1769, toutes deux à Rouen. Il passe au travers de la Révolution, se retire en 1800, vivant de ses revenus notables et se consacre à l’art et la littérature. Pajonnet a 57 ans, de Saint Victor 38 ans : ils se sont certainement connus directement ou indirectement par le biais du comte de Caylus.

« Monsieur et cher confrère, pour me servir de votre expression, et ne pas multiplier les lettres sans nécessité, j’attendais votre dernière pour vous accuser la réception des catalogues que je vous renvois avec les lettres. »

S’ensuit tout un passage de spécialiste sur l’interprétation d’une médaille grecque, puis il poursuit :

« Comme la distance trop grande qui nous sépare rend nécessairement nôtre commerce bien moins fréquent que je ne le désirerai, vous me permettrés, mon cher confrère, de m’en venger par la longueur de mes lettres, et nous converserons un peu plus longtemps, puisque nous ne le pouvons pas souvent ; à l’égard de vos lettres, je puis vous défier de ne pas les rendre trop courtes. En partant de là l° je ne puis vous dissimuler ; cher confrère, combien je suis enchanté de voir dans ces lettres que vous m’écrivés tant d’érudition jointe à tant de modestie. Leur assemblage est si rare qu’il devient bien prétieux et bien respectable. Quant à moi, si je ne vous égale pas d’un côté, je tâcherai de ne vous pas céder de l’autre. Et loin de vous donner jamais mes opinions pour des certitudes, je vous les proposerai comme doutes ; nous discuterons amicalement, sans amour-propre et sans orgueil ; aussy, lorsque l’évidence aura décidé la question, nous cèderons sans honte, et nous triompherons sans vanité. »

Un nouveau passage de numismatique s’ensuit, puis :

« Vous allés me trouver, cher confrère, aujourd’hui bien contredisant, mais je trouve amusantes les disputes de cette nature. Elles réjouissent l’esprit sans blesser le cœur ; d’ailleurs le petit amour-propre qui caresse toujours avec complaisance l’opinion qu’il défend excite aux recherches des raisons qui peuvent l’étayer, et de ce travail mutuel et innocent naît souvent la découverte de la vérité. Si dans les sciences et dans les lettres les hommes étaient toujours parfaitement d’accord, les esprits s’endormiraient dans une molle indolence ; ce n’est que du choc des opinions diverses que jaillit l’étincelle de la vérité… »

Nouvel échange sur la qualité d’une empreinte sur bague, et :

« Au lieu de vous envoyer cette bagatelle, je médite le dessein de vous la faire parvenir bien plus agréable- ment pour tous deux. C’est, mon cher confrère, de vous la porter moi-même. Comment trouvés-vous le projet ? J’ai eu beaucoup de peine à m’y déterminer. Il faudra me séparer d’une personne que je ne quitte jamais ? Cependant cela est arrêté et résolu si vous y donnés votre approbation, et Dieu aidant, cela s’exécutera ? Voici mon plan. J’irai avec Mme de St-Victor à Paris et la déposerai chez ma sœur qui l’amènerait, pendant mon voyage, à sa terre à 3 lieues de Paris. Je prendrais la poste jusqu’à Orléans, et d’Orléans à Bourges, où j’oserais vous prier de me venir trouver. Je vous avoue que j’ai toujours eu le désir de revoir cette ville ou j’ai vécu en exilé 6 mois il y a 10 ans. Mon père, par un motif que la piété filiale doit respecter même sans le pénétrer m’y relégua sans argent, sans ressources, sans domestique et comme disgracié. ».

Monsieur de Saint-Victor raconte ses malheurs d’alors, les gens qu’il a rencontrés et ceux qui l’ont aidé :

« Vous voyés, Monsieur et cher confrère, que j’ay de quoi employer les 3 ou 4 jours pendant lesquels je compte séjourner à Bourges. De là nous irons ensemble à votre prieuré, et droit au monument en question. Je porterai sur moi quelques subsides et j’espère par leur moyen, animer les ouvriers à nos recherches souterreines. Nous les suivrons du plus qui nous sera possible, ce qui, j’espère, ne nous empêchera pas de faire quelques excursions dans les cantons circonvoisins, où sous vos auspices, mon cher et respectable guide, nous rendrons hommage à tous les vénérables monumens de la grandeur romaine. Je vous avoue que j’attens ce moment du voyage avec la plus vive impatience, et que je verrai s’écouler trop lentement à mes vœux l’espace du temps qui nous amènera la fin de Mars prochain, ou le commencement d’Avril. Réservés, mon cher confrère, vos fouilles jusqu’à ce moment, je vous en supplie. Comptés sur ma parole que je vous donne du voyage. Je vous promets humainement de la tenir. Ce mot humainement explique toutes les restrictions de l’impossibilité. Il n’est pas besoin de vous dire avec combien peu de cérémonie et de gêne je compte que vous userés avec moi. Je hais le faste, j’adore la liberté et la simplicité. Je mène un seul domestique. Une petite chambre et un petit lit avec une table et deux chaises, l’ordinaire le plus frugal, beaucoup de promenade et de conversation, la liberté de faire quelques instants un peu de musique (ma passion favorite après l’étude) voilà tout ce je vous demande. Plus que cela me fera fuir. Si mon domestique vous gêne, il vivera et couchera à la plus prochaine auberge. Voyés, mon cher confrère, si ce projet vous convient, et marqués moi vos observations à ce sujet avec autant de liberté que vous m’en vovés à vous faire ma proposition. Comme nous nous écrirons souvent avant ce voyage, vous me ferés, s’il vous plait, une petite note des livres de médailles et d’antiquités que vous possédés, et de ceux qui vous manquent, afin que j’y supplée en vous apportant des miens. J’ai une bibliothèque numismatique assez fournie, et moyennant votre note, je n’apporterai point de double. Comme une impatience un peu immodérée entre un peu dans la composition de mon caractère, je n’ose vous dire que j’aurais beaucoup de peine à attendre mon voyage pour posséder ce que vous avés eu la bonté de me promettre. Vous m’obligerés donc infiniment de me faire parvenir au plus tôt les médailles et autres antiquités que vous avés eu assez de générosité et de bonté pour me promettre; à condition que vous voudrés bien que je vous tienne compte des frais de l’encaissage et emballage. Je n’ai pas besoin de vous recommander les soins et les précautions dans l’emballage pour prévenir dans le transport toute espèce d’accident. Je crois que pour que la caisse me parvienne, il suffira de mettre mon adresse bien distincte et bien solide sur la boete en la faisant enregistrer au carrosse de voiture avec déclaration qu’elle contient quelques médailles et antiquités. Ne serait-ce point, cher confrère, abuser de vos bontés que de vous prier d’y insérer un certain joli vase dont vous m’avés parlé dans une de vos lettres, quelques urnes cinéraires, quelques lacrymatoires, quelques fibules, agraffes, fragments de statues, etc. Les petits morceaux de bois pétrifié ne sont pas non plus à négliger, ils enrichiront des dons de l’amitié un assés beau cabinet d’histoire naturelle que je possède, que j’aime, mais dont le goût est fort subordonné à mon cabinet d’antiquités

Je vous envoie la copie de la lettre que j’écris à notre Archevêque je lui envoye en même temps votre lettre qui est parfaitement bien, et celle de M. de Caylus. Nous verrons sa réponse ? Si elle n’est pas favorable, je ne le tiens pas quitte, et lâcherai sur lui M. le duc d’Harcourt qui me protège beaucoup. Il est gouverneur de notre province, et est très bien avec Mgr l’Archevêque. Enfin mon cher confrère, il ne tiendra point à tous les efforts humains que je n’obtienne enfin quelque chose de lui, peu ou beaucoup. Votre délicatesse et votre générosité m’ont touché par l’endroit le plus sensible. Votre âme est trop belle pour n’être pas aimée dès l’instant qu’elle est connue; vous avés été dupe comme je le vois par votre lettre. Consolés-vous, mon respectable confrère, c’est le sort des belles âmes.

Quant à notre Académie, je verrai différer avec peine le plaisir que j’aurais de vous avoir pour confrère. Le crédit que j’ai dans cette compagnie vous y servirait puissamment si vous désiriés une place d’associé regnicole. Une simple lettre à l’Académie avec une courte dissertation sur quelque médaille ou sujet d’antiquité vous ferait recevoir avec joye. Cherchés dans votre portefeuille. Vous y trouverés à coup sûr un titre pour devenir notre confrère.

Adieu mon très respectable et cher Prieur, puissent vous arriver tous les biens que je vous souhaite ! Puissiés vous au moins voir dans mes efforts la sincérité d’un cour pénétré de reconnaissance et du plus vif attachement. Vale et ama. Voilà la formule que je vous prie d’adopter entre nous, à moins que vous n’y vouliés joindre l’empathie des Grecs. Je finis car je n’y vois absolument plus. Vous ne vous excuserés plus désormais, je pense, de la longueur de vos lettres. Je serai trop heureux que ce volume m’en attire un autre de votre part.

J’oublie toujours de vous demander quelle est la matière et quelles sont les dimensions de cette parure dont je ne me lasse point d’admirer le charmant dessin; je vous envoye les empreintes de l’Apollon. Les 4 petites têtes sont deux boutons de manche de Cornaline Cabochon vieille roche. Ils sont d’un très grand prix et merveilleusement montés. Le Germanicus est en bague et de toute beauté. ».

L’académie dont parle plus haut de Saint-Victor peut être celle de l’Académie royale des sciences, des belles lettres et des arts (fondée en 1744 et où il est reçu en 1766) ou celle de l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge (société religieuse et littéraire très ancienne où il est reçu en 1769), toutes deux à Rouen et dont fait partie le duc Henri-François d’Harcourt, gouverneur de la province de Normandie. Le terme d’associé régnicole proposé à Pajonnet veut dire d’associé habitant le royaume, le pays.

Le duc d’Harcourt connaît donc bien son confrère académicien de Saint-Victor, mais connaît aussi le nouvel archevêque de Bourges, Georges-Louis Phélypeaux d’Herbault, introduit comme vicaire par son prédécesseur de La Rochefoucauld, en place en 1757 et qui le restera jusqu’à sa mort en 1787. Il devient aussi abbé commendataire de plusieurs abbayes dont celle de Saint-Ouen de Rouen en 1777, donc un peu plus tard que les courriers qui nous occupent. Quelle est la nature de la lettre et de la demande de Pajonnet à l’archevêque ? Mieux faire connaître son travail pour l’obtention d’une pension ?

La lettre suivante de Saint Victor est écrite de Rouen et datée du 26 décembre 1769, un mois après la précédente, et apparemment Pajonnet lui a envoyé un colis :

« Enfin, mon cher et regrettable prieur, j’ai joui de l’envoi que vous m’avès fait, et j’ai peu rabattu du plaisir que j’en attendais. Je vous aurais plustôt exprimé ma reconnaissance, si je n’avais pas voulu attendre que j’eusse à vous demander quelque chose de positif sur les deux objets qui nous intéressent également. Quant à l’Archevêque, j’ai été inutilement chez lui. Je n’ai pu lui parler, le suisse m’a remis à ce soir; mais une personne qui sort de chés lui et qui est de mes parents, m’a prévenu que j’irais inutilement chés ce prélat qui part demain matin, et ne sera d’aujourd’hui visible pour personne. Il reviendra ce carême, et je le persécuterai à outrance. L’amitié mon cher Prieur, est inquiète; elle s’allarme facilement; c’est le sentiment que j’éprouve; tout ce qui me convient du caractère de l’Archevêque, m’effraye de plus en plus ; c’est un homme qui promet tout et ne donne rien. Je connais un des ses archidiacres qui a sur son esprit un crédit si fort que le prélat va jusqu’à le craindre. Eh bien cet archidiacre n’en peut rien obtenir pour lui même. Cependant malgré toutes ces difficultés, je ne me rebuterai point; je serai à l’affut des occasions, j’épierai les moments, et si le succès ne couronne point mes vœux, il ne me restera du moins aucun reproche à me faire. J’ai été aujourd’hui conférer avec le prieur et le procureur de la maison des Carmes de Rouen; j’ai été parfaitement satisfait de la réception qu’ils m’ont fait. Ils ont senti merveilleusement toute la justice de vos demandes que je leur ai expliquées avec toute la netteté dont j’ai été capable, en leur laissant en même temps entendre que j’étais déterminé de suivre cette affaire avec la dernière vigueur. Le Prieur m’a paru indigné de la conduite du père Janet, il m’a protesté qu’il agissait comme pour lui même et qu’il allait écrire à la maison de Caen dès demain. Il trouve que le paiement de cette dette ne soufre pas la moindre difficulté.

Il paraissait d’abord seulement demander du temps et prier pour qu’on se contentât de la pension annuelle de 60 livres?) jusqu’au parfait payement. J’ai insisté et j’espère que j’engagerai la maison à payer la somme entière, sauf à elle de se remplir elle même son avance. Il y a cependant un léger petit nuage dans votre petit compte. Peut être ce nuage n’existe que dans mon intelligence. Il paraitrait par votre arrêté de compte qu’il ne vous reste plus dû que 273 livres 14 sols et 39 deniers de frais ? Vous voudrés bien, dans votre première, me donner un mot d’explication à ce sujet. Venons en maintenant, mon cher Prieur; aux pièces de votre envoi; je commence avant tout détail par vous protester de ma vive reconnaissance, ce sentiment est chés moi très indépendant de la valeur des choses ; la générosité de vos procédés sait leur attacher un prix que la rareté et la curiosité ne leur donnerait ja- mais. Commençons par le plus beau morceau ; c’est assurément le bouclier digne à mon gré de figurer dans les plus grands cabinets, le travail des figures est admirable; et je ne finirais d’en louer tout le détail prétieux; les mosaïques incrustées en argent sont de la plus grande élégance. Il me reste à présent l’explication à faire du sujet; c’est ce que je n’ose entreprendre. Ma main tremble de lever un voile qui ne lui laisse entrevoir qu’une lueur incertaine. Pourquoi n’avés vous point communiqué ce morceau à M. de Cavlus. Pour l’expliquer, je serais tenté d’évoquer les mânes de ce grand homme, dont la vie aurait bien égaler la durée des monuments qu’il a ressuscités. Je ferai cependant quelques efforts qui tenderont qu’à m’en découvrir l’inutilité. De toutes les médailles d’argent, deux seules m’ont paru mériter l’honneur d’une place dans mon cabinet. Un Néron commun […], un Claude assez rare […. ], votre Trajan est beau […] »

D’autres considérations numismatiques suivent qui signalent les suites de médailles et pièces de la collection de notre antiquaire. Puis viennent d’autres objets envoyés par Pajonnet :

«  J’ai trouvé fort jolie la petite inscription de la bague Ave Suavis. Je regrette vivement les injures qu’ont souffert les petites figures de terre blanche dont je conserve les débris, ainsy que les vases de terre rouge chargés de desseins de mosaïques. Je crois que nous avons perdu le secret de ces couleurs brillantes que j’ai vu sur quelques fragments de verre antique. J’ai été fort satisfait des agrafes et fibules, etc., il y a entr ‘autres un petit morceau fort intéressant, celui où est gravé la tête d’un chat. Pourquoi faut-il que la rouille dévore tous ces petits chefs d’œuvre de l’art, et que tous les vases de la forme la plus élégante, qui présentent les dessins les plus agréables soient ceux que le temps a le moins respectés. On ne finirait pas si l’on voulait déplorer toutes les injures du temps et ce serait mêler des larmes inutiles à celles qu’on répandu et répandent tous les illustres antiquaires.

Il ne me reste plus, mon cher et respectable Prieur, qu’à vous protester de toute la vivacité d’une reconnaissance qui n’aura d’autre borne que ma vie; que ne me permettés vous pas de m’acquitter envers vous d’une manière qui satisfit ma délicatesse ! Je ne vous offre que du zèle lorsque vous me donnés des effets. Car je n’appelle seulement pas une ombre de service pour procurer au plus tôt le paiement d’une crédite qui vous paraît si légitimement dûe; je désirerai voir dans vos mains un bénéfice tel que vous le désirés; mais la foule des obstacles m’allarme sans m’effrayer. Un homme si faible qu’il donne en vous quittant ce qu’il vous a promis la minute d’avant; l’empressement incroyable avec lequel on court le plus petit bénéfice simple, la lenteur que j’aurais à craindre, quand même je serais certain du succès; toutes ces considérations m’affligent sans me décourager. Puissai-je encore une fois, trouver quelque occasion et plus prompte et plus heureuse de vous convaincre, mon cher et respectable Prieur, de la vive reconnaissance ainsy que du tendre et sincère attachement que je vous ai voué pour la vie. »

En note :

 « Si vous êtes intraitable sur le passé, du moins, je vous demande votre parole d’honneur; mon cher prieur, de ne plus permettre aucune fouille qu’à mes frais, sinon je vous donne la mienne de rompre tout commerce et de plus rien recevoir. Il en coûte pour le premier objet bien plus cher à mon cœur qu’à mon goût pour le second. Mais voilà mes conditions. Choisissés. Nous verrions à convenir d’un voye commode et franche pour […] parvenir vos déboursés avec l’argent de votre crédit.

Je n’ai pas eu le temps de relire ma lettre, ainsi vous excuserés les fautes. »

On ne sait pas si de Saint-Victor a fait son voyage en Berry à Allichamps en toute simplicité avec son domestique. Pajonnet n’a pas obtenu satisfaction tout de suite pour sa pension.

Nous ne savons pas ce que sont devenues les collections de M. de Saint Victor : éparpillées sans doute avec quelques-unes des trouvailles d’Allichamps, car ce qui caractérise bien ces découvertes, quand elles subsistent et seulement pour les plus récentes, c’est leur éparpillement entre différents musées (du Berry à Bourges, Saint-Vic à Saint-Amand, etc.). Les quelques lettres avec « divers savants » (ou extraits) que vous venez de lire ont été cédées par un parent de M. Pajonnet, recueillies par M. le baron Auguste-Théodore de Girardot (1815-1883) et sont publiées dans un numéro des Mémoires de la Société des antiquaires du Centre (VI° volume, années 1875-76, publié en 1878).

  • En 1770, 22 actes se répartissent en 10 baptêmes, 2 mariages et 10 enterrements.

La minute notariale du 30 juin 1770 (AD 18 F 613, n° 88) nous apprend que la gestion des intérêts d’une cure n’est pas toujours facile et qu’il faut en défendre les droits, même entre confrères :

« Georges-Louis Phélypeaux d’Herbault par la miséricorde de Dieu et la grâce du Saint-Siège apostolique, patriarche archevêque de Bourges, primat des Aquitaines, commandeur chancelier des ordres du Roy, et à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut, savoir faisons que vu par nous les pièces et mémoires respectivement mises par devant nous, par le sieur Jean-Baptiste Tissier prêtre curé de la paroisse de Saint-Loup demandeur aux fins de l’exploit du 19 juillet 1765 en défendeur d’une part et le sieur François Pajonnet prêtre curé d’Alichamp défendeur et demandeur aux fins de ses dires et exploits des 7 juin 1768 et 13 novembre 1769 d’autre part; le compromis signé des dittes parties le 2 janvier dernier par lequel elles nous donnent pouvoir de décider les contestations pendantes entre elles, notre ordonnance préparatoire du 2 avril dernier portant, que par devant le sieur Damour archiprêtre de Dun-le-Roy et curé officiant de Saint-Amand, par nous commis à cet effet, le sieur curé d’Alichamp seroit tenû de prouver la possession immémorialle par lui articulée du dit [droit] de suitte exercé par luy et ses prédécesseurs lorsque les bestiaux hivernés dans sa dixmerie ont été labourer, même à prix d’argent, dans la dixmerie de Saint-Loup, sauf au dit sieur curé de Saint-Loup à faire la preuve contraire si bon luy semble ; les enquêtes faittes en conséquence de notre dite ordonnance des témoins respectivement produites par les dittes parties et entendus par le dit sieur Damour les 31 may dernier et 6 du présent mois de juin. Tout considéré nous avons maintenu et gardé le dit sieur curé d’Alichamp dans le droit et possession immémorialle en laquelle il est d’exercer le droit de suitte lorsque les bestiaux hyvernés dans sa dixmerie vont labourer même à prix d’argent, dans la dixmerie de Saint-Loup faisons deffenses au sieur curé de Saint-Loup de l’y troubler, néanmoins ordonnons que touttes restitutions respectivement demandées par les parties ensemble les dépenses demeureront entre elles compensées, fait et jugé à Paris en nôtre hôtel le 30 juin 1770. »

Ce texte renvoie à la complexité des droits de perception de la dixme rattachée à des cures ou institutions ecclésiastiques chapeautant ces cures. Le montant de la dîme peut varier si les terres ont été labourées par des bêtes qui ont été nourris et hyvernées sont, ou non, de la même dixmerie. Et le droit de suite est, « avec le droit de préférence, une des deux prérogatives attachées au droit réel. Il s’agit d’un droit opposable à tous et, notamment, à tout acquéreur (indépendamment de sa bonne ou mauvaise foi) de poursuivre un bien en quelque main qu’il passe. C’est donc la prérogative qui appartient aux personnes titulaires d’un droit réel (par ailleurs fréquemment créanciers) d’exercer leurs droits sur un bien en quelque main qu’il se trouve » (Wikipédia).

Quant à l’archevêque cité, Georges-Louis Phélypeaux d’Herbault, c’est le successeur de 1757 à 1787 de de La Rochefoucauld; remarquons qu’il ne réside pas à Bourges mais en son hôtel parisien.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles

«  En 1770: des médailles gauloises et romaines, des agrafes, des parures de soldats, une clef, des bagues, le tout de bronze, sur la tête d’une de ces bagues sont gravés ces deux mots : Ave, suavis, des figures de terre cuite mutilées, des coulants de verre goudronné, trois puits, des fragments de vases de verre et de terre cuite. »

Il est déjà question d’une bague gravée Ave suavis dans la lettre de décembre 1769 de M. de Saint-Victor, il s’agit sans doute de la même.

  • En 1771, 19 actes se répartissent en 8 baptêmes, aucun mariage et 11 enterrements.

« Le 22 juin ont été supplées les cérémonies du baptême par moi Desmaves chanoine de l’église collégiale de Notre-Dame de Sales soussigné à une fille à qui on a imposé le nom de Marie-Rosalie, fille légitime du sieur Pierre Auclerc bourgeois et de demoiselle Madeleine-Suzanne Chantelat de cette paroisse, née le 19 décembre de l’année dernière par permission de Mr Dubois vicaire général en datte du même jour, le parrain a été sieur Pierre Auclerc bourgeois à Bruères paroisse de la Celle et la marine mademoiselle Marie de Montagu de la paroisse de Saint-Jean-le-Vieil de Bourges qui ont signé avec nous. »

« Le 28 août le corps d’un garçon âgé d’environ 45 ans né de parents inconnus au domaine de Rodais vieil est décédé le jour précédent au retour de la récolte de Berry (?) et que l’on m’a d’abord dit habitant le voisinage de Montluçon sans pouvoir me déclarer le nom et le domicile du dit [….] – avec promesse de m’en instruire – ce qui n’a pas été fait à ce jour; a été inhumé dans le cimetière de la paroisse [….] »

C’est par d’autres sources que nous apprenons que cette année-là Pajonnet achète avec un membre de sa famille les domaines de la Grange Bernon et de Nohan au marquis de Bigny.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.

« En 1771: des médailles du haut et bas empire, des agrafes, des parures de soldats, des bagues, le tout de bronze, un morceau de verre serti dans l’une de ces bagues, en fait la tête sur laquelle est gravé un oiseau perché sur une branche, une grosse tête d’homme mutilée, une tête de bélier; toutes deux de pierre du pays, des pierres gravées, du verre fondu, des bois de cerfs, des dents de sanglier; beaucoup de fragments de vase de verre et de terre cuite, deux puits. »

  • En 1772, 15 actes se répartissent en 7 baptêmes, 1 mariage et 7 enterrements.

Notre prieur curé à 60 ans.

Retrouvée dans un dossier à son nom (AD 18, F 613, n°84), cette petite lettre de Bourges écrite le 14 juillet 1772 par un certain Gaultier sans doute vic(aire) gén(éral) de l’archevêché :

« Mr. l’archevêque,

Monsieur; a confirmé la cure de Vesdun à Mr. Peronne (?) curé de La Celle-Bruères, comme vous êtes voisin de cette dernière cure et que vous l’avés déjà desservie, nous venons de vous faire expédier une commission pour la desservir de nouveau. Mr. Peronne part la semaine prochaine pour aller prendre possession de la cure de Vesdun, ainsi, Monsieur, ayés la bonté de commencer les fonctions de desservant dès que que Mr. Peronne sera parti. Ayés soin de dire la messe alternativement dans votre église et dans celle de la Celle-Bruères, suivant l’usage du diocèse pour les dessertes. Comme il y a beaucoup de réparations à faire à la Celle-Bruère tant à l’église qu’au presbytère, nous vous prions de vous contenter pour vôtre honoraire de la desserte de cent francs par an avec le casuel, et de remettre le surplus du revenu entre les mains de Mr. l’archiprêtre à qui Mr. l’archevêque en fera savoir dans le tems la destination. Vous êtes jeune et en état de travailler, les deux paroisses ne vous occuperont pas au delà de vos forces. J’ai l’honneur d’être très parfaitement, Monsieur; vôtre très humble et très obéissant serviteur. Votre commission de desserte est pour jusqu’à la calende prochaine en quelque tems quelle se tienne, ainsi s’il n’y en a point cette année, votre aprobation demeurera provoquée jusqu’à l’année suivante. Remplissés le blanc de votre nom de baptême ».

Il arrive assez souvent que les desservants de paroisses voisines se remplacent, mais nous ne connaissons pas la durée de ce remplacement.

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.

« En 1772 : des médailles gauloises et romaines de bronze, une très petite pièce d’or, dont la tête ceinte du diadème est sans légende et paraît regarder une fleur renversée devant elle, son revers est un vase à deux anses avec cette légende : Moneta Telafius, des tessères d’hospitalité, des pierres gravées, deux parties de flûtes anciennes d’os, des fragments de vase. Le Pouillé de Bourges, publié cette même année par Merle de la Brugière, signale à propos de la paroisse d’Allichamps qu’il y a 180 « communians » (toutes les personnes âgées de plus de 12 ans). Pour la paroisse voisine et succursale de Farges, il y a 120 « communians » et pour celle de La Celle-Bruère, 250 « communians ».

  • En 1773, 19 actes se répartissent en 6 baptêmes, 2 mariages et 11 enterrements.

« Le 18 juillet Antoine Ransard (?) journalier demeurant à Loye (?) s’est présenté à nous a déclaré que le garçon de parents inconnus décédé au domaine de Rodais le 27 août 1771 et inhumé le lendemain le 28 dans le cimetière de cette paroisse avait nom Pierre Rechin (?), était natif du village de Clérandeau, paroisse de Gyat, diocèse de Clermont et qu’il se serait joint les noms des père et mère du dit Antoine Rechin mais qu’il a laissé deux frères et deux sœurs demeurant en la même paroisse de Gyat, de laquelle déclaration j’ai dressé le présent acte en présence du dit Antoine Ransard (?) qui a déclaré ne savoir signé. »

Giat est une commune du Puy-de-Dôme, canton de Pontaumur, arrondissement de Riom.

« Le 5 décembre le corps de Girodon dit Bravé dont on a pu me donner le nom, et imbécile depuis sa jeunesse, décédé le jour précédent au village de Nohan, âgé de 68 ans, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse […] en présence de Jean Girodon journalier de la paroisse d’Orval, de Pierre Vernet domestique et de Gilbert Girodon laboureur lesquels témoins ne pouvant me donner le nom de ses père et mère m’ont seulement dit qu’il était né en la paroisse de Faverdines. »

Pour les enterrements apparaît régulièrement un certain Pierre Vernet, domestique auprès de François Pajonnet.

Le 22 décembre 1773, François Pajonnet écrit au duc de Béthune-Charost (voir plus haut).

Notice de 1774 de Pajonnet sur le produit de ses recherches et fouilles.

« En 1773 : près les ruines de l’édifice antique découvert dans le premier champ en 1763, un autel érigé à Claude le Gothique, partie d’une figure de femme, de terre cuite, singulièrement coiffée, des médailles des fragments d’un ancien miroir de bronze, et de vases de verre et de terre cuite. Dans un pré éloigné de quinze cent pas d’Allichamps, on a trouvé, à quatre pieds de profondeur ; un pot dans lequel était une courte épée, un javelot, des haches, le tout en bronze à la patine la plus belle. »

  • En 1774, 19 actes se répartissent en 9 baptêmes, 3 mariages et 7 enterrements.

Le 7 juin, Pajonnet adresse une nouvelle lettre au duc de Béthune-Charost avec une notice du produit annuel de ses recherches archéologiques depuis 1750, dont voici la dernière année :

« En 1774: un groupe de trois têtes adossées, une agrafe d’or; un ancien compas et une clef de fer; une de ces faux dont était armés les chariots appelés falcati, des médailles gauloises et romaines de bronze, une meule à bras, un vase en forme de conge, cassé à l’ouverture, des fragments de vases et de verre et de terre cuite. ».

Cette même année meurt le roi Louis XV et c’est son petit-fils Louis XVI qui devient roi.

  • En 1775, 19 actes se répartissent en 12 baptêmes, 1 mariage et 6 enterrements.

« Le 1er juillet le corps de N. Boucard (Brouard ?) de Chateaufer; ondoyé par nécessité à la maison, fille du sieur Boucard cy devant capitaine ingénieur au service de sa majesté l’impératrice de toutes les Russies, chevallier de l’ordre du Portugal, contrôleur des bâtiments de Mr. le comte d’Artois, et de demoiselle Victoire Le Rouge sa légitime épouse, décédée le jour précédent au ChâteauLefer a été inhumé par moi prieur curé soussigné dans la chapelle de Notre-Dame de cette église […] en présence de Charles Robin et Etienne Franson (?) laboureurs, de François Bau (?) journalier et de Pierre Vernet sacristain, lesquels ont déclaré ne savoir signé de ce interpellés à Châteufer. »

La chapelle Notre-Dame est-elle celle dite de Pitié (visite pastorale de l’archevêque en 1732), c’est-à-dire le chœur même de l’église d’Allichamps?

Cette année-là, le sieur Pajonnet et le bourgeois Auclerc sont en désaccord avec un sieur Rolet, docteur en médecine, au sujet de terrains récupérés de l’ancien chemin de Bourges à Saint-Amand avec la construction de la nouvelle route (départementale 144) qui passe effectivement entre la Grange Bernon et la Grange Bertille.

La Grange Bournon ou Bernon citée appartient à Pajonnet et il s’y retirera lors de sa démission en 1792-1793. La famille Auclerc est en relation avec notre prieur : famille propriétaire et voisine au lieu-dit de la Grange Bernon où se tiennent plusieurs foyers ? En tout cas, c’est un Auclerc qui est témoin du décès de Pajonnet en 1806 dans le registre d’état civil… et c’est dans le caveau de cette famille que les restes de notre prieur sont glissés après le déménagement du cimetière de La Celle vers 1840 !

L’affaire remontera jusqu’à Nicolas-François Dupré de Saint-Maur, l’intendant du Berry à Bourges de 1764 à 1776. Pour contrecarrer les arguments du sieur Rolet, Pajonnet se fend d’un argumentaire en dix points (AD3 F256). On sent un homme au courant des démarches judiciaires, qui peut s’appuyer sur des recherches en archives comme auprès des vivants pour défendre un point de vue, presque pointilleux…

« Le sieur Rolet demandeur contre les sieurs Pajonnet et Auclerc déffendeurs. Moyens du sieur Rolet refutés par les faits :

1er fait : La convention verbale entre les parties pour le partage du vieux chemin est un fait onstant et antérieur à la démarche secrète du sieur Rolet pour obtenir de Mr l’Intendant ce vieux chemin.

2eme fait :: Le sieur Rolet ne perd rien vis à vis le vieux chemin que Mr l’Intendant lui a concédé. Les défendeurs au contraire perdent seuls tout le terrein sur lequel on a construit la nouvelle route. Le vieux chemin limitrophe de ce terrein leur appartient donc à titre de justice et de convenance.

3eme fait : Il est vrai que le sieur Rolet perd ailleurs : mais il s’est lui même dédommagé en joignant à ses champs plus de quatre cent toises en longueur tant du chemin de la Grange Bournon à la Chastelette, que de celui de Bruyères au Uzay.

4eme fait : L’ancien chemin de Bruyères à Bourges a été accordé au sieur Auclerc comme un faible dédommagement de la perte que lui cause la construction de la nouvelle route dans une terre fromentale de quatre vingt boisselées, venüe de son père et assise au delà du pont de la Grange Bournon : en sorte que le sieur Pajonnet n’a et ne peut prétendre la plus légère part à ce dédommagement. Le sieur Rolet oppose donc en vain le dédommagement accordé par la cour au sieur Auclerc seul pour un autre objet que le contentieux.

5ème fait : Le sieur Rolet en demandant à la cour; comme il a fait, le vieux chemin contentieux, s’est départie de la concession incompétamment à lui faite par Mr l’Intendant. Les sieurs Pajonnet et Auclerc seuls lézés par la construction de la nouvelle route tant dans leur champ limitrophe de ce vieux chemin, que dans un autre champ de vingt quatre boisselées, assis au dessous et au nord du premier, ont plus de droit à cette concession qu’ils demandent aussi et qu’ils attendent de l’équité de la cour par préférence au sieur Rolet déjà dédommagé.

6ème fait : Dans les aveux dénombremens de la Grange Bournon sous la datte des 26 septembre 1494 et 19 décembre 1608 le champ ou patural de la font sur lequel la nouvelle route est construite, a pour confin le chemin de Bourges. D’ailleurs il est de fait que de tout temps les colons de la Grange Bournon ont ébranchés ou étêtés les ormes plantés sur le terrein litigieux assis entre la have arrachée et le vieux chemin.

Ces dénombrements et cette possession assurent donc aux défenseurs le droit de propriété dont le sieur Rolet voudrait les dépouiller. Voici donc la preuve de propriété et de possession que l’avocat du sieur Rolet a demandé lors de la dernière audiance.

7ème fait : Le sieur Rolet prétend que la haye arrachée par l’ordre du sieur Auclerc étoit le confin du patural: mais de notoriété publique les eaux croupissantes sur le vieux chemin l’avoient rendu dangereux et comme impraticable. De ce fait est résultée la nécessité de sacrifier à la commodité publique la petite partie litigieuse plantée d’ormes. De cette division est aussi née la nécessité de plantée la haye arrachée par ordre du sieur Auclerc, parce que suivant l’article 533 de la coutume de Bourbonnois, tout propriétaire est tenu de clore les héritages qu’il veut garder. Cet abandon fait par les auteurs des sieurs Pajonnet et Auclerc pour faciliter le public doit-il aujourd’hui tourner au profit du sieur Rolet quand il cesse d’être nécessaire ? On ne le pensera jamais.

8ème fait : Le sieur Pajonnet a fait fouiller trois endroits différents de la partie plantée d’ormes et réclamée par son adversaire. Aucune de ces fouilles n’a donné des pierres ou vestiges de chemin. Toutes ont laissé voir un sol semblable à celui du patural de la fond, preuve certaine que cette partie a été détachée du patural pour faciliter le public. A l’appui de cette preuve vient celle des ormes dont elle était plantée.

9ème fait : Au mois de mars dernier le sieur Auclerc a fait arracher sa have, et les ormes plantés sur la petite partie litigieuse. Au mois d’avril suivant le sieur Rolet homme très désintéressé, si l’on en croit, a fait commencer un fossé séparatif de cette partie d’avec celle du patural. Par cette entreprise il tendait à s’approprier cette partie. Le sieur Auclerc envoye quelques jours après combler ce fossé, pour conserver sa propriété et possession. En cela il n’a certainement usé que de son droit qui même l’autorisoit à prendre la voye de la complainte à la quelle il a préféré la paix : mais traduit maintenant à la cour par l’avidité du sieur Rolet, il prend ainsi que le sieur Pajonnet sa demande a trouble, et tous les deux sont fondés à conclure, comme ils font, à ce qu’ils soient maintenus et gardés dans leur propriété et possession de la partie litigieuse cy devant plantée d’ormes que le sieur Auclere a fait arracher.

10ème fait : La connaissance des affaires concernant les grands chemins appartient à Messires les trésoriers en qualité de Grands voyers. Mr. L’Intendant est donc très incompétent dans ces sortes d’affaires. Cependant c’est en vertu d’une concession de luy erronée que le sieur Rolet a assigné le sieur Pajonnet dans la personne du sieur Auclerc son copropriétaire. Premier défaut de qualité du sieur Rolet. Les aveux dénombrements de la Grange Bournon cy dessus dattés, et la possession d’ébrancher soit pour clore, soit pour autre usage assurent aux sieurs Pajonnet et Auclerc la propriété et possession de la partie litigieuse plantée d’ormes. Le sieur Rolet prétend-il au contraire qu’elle fait partie du vieux chemin. En ce cas se serait à Mr. le Procureur du Roy a réprimer leur entreprise et non à lui. Second défaut de qualité le sieur Rolet se trouvant sans titre et sans qualité, les sieurs Pajonnet et Auclerc sont fondés à prendre a trouble sa demande, à conclure à ce qu’ils soient maintenus et gardés dans leur propriété et possession de la partie litigieuse cy devant plantée d’ormes, à ce que le vieux chemin limitrophe de leur champ leur soit accordé et enfin à ce que le sieur Rollet soit débouté de sa demande et condamné aux dépens. Le sieur Pajonnet respectant, comme il se doit, tout ce qui émane de Mr. L’Intendant, lui a exposé le trouble pour le chemin de Bruères, l’action intentée par le sieur Rollet, le préjudice résultant de la concession de 1771, et l’a prié de lui permettre de recourir à une juste défens. Le premier magistrat a eu pour agréable la démarche de sieur Pajonnet, qu’il a honoré d’une réponse obligeante. Il ne doit donc plus être question de la concession de 1771 d’après le départ du sieur Rollet, et la lecture à l’audiance de la lettre de Mr. L’Intendant. »

L’affaire sera réglée en septembre 1776 par une répartition des droits des parties.

Cette même année paraît à Paris chez l’imprimerie de Clousier, le Discours sur les monuments publics, de tous les âges et de tous les peuples connus de Livron, vicaire général de Narbonne, abbé de Noirlac et prieur de Brive. Il signale in «  3ème âge du monde, Gaules » à la p. 125 (Gallica) :

« […] Les voies qui conduisoient à Bourges longeoient le Cher sur lequel il y avait un très beau pont à l’ancienne ville de Bruères, aujourd’hui très petit bourg et traversoient en droite ligne une plaine dite de Saint-Loup pour arriver jusqu’à Bourges en passant auparavant par Allichamps, village où l’on découvert une quantité prodigieuse de Médailles romaines et des tombes éparses dans les champs, dont on voit encore sur les bords des chemins des restes endommagés*. »

En note de bas de page :

« C’est au curé de cette paroisse d’Allichamps, vivant encore, à qui l’on doit toutes ces découvertes. Vovez les Euvres du comte de Cavlus ».

François Pajonnet en a-t-il eu connaissance ?

  • En 1776, 26 actes se répartissent en 9 baptêmes, 5 mariages et 11 enterrements.

En commençant le registre de cette année, Pajonnet écrit : « Le mariage fait à La Celle-Bruère pendant ma maladie et de mon consentement est inscrit sur le registre du mois de janvier de la dite paroisse. » Pierre Vernet est bien cité comme sacristain ou… domestique et comme témoin pour les actes de décès.

« Le 24 mai la cloche de cette paroisse nommée Gabriel-Marie-Marguerite par sieur Geoffrenet des Beaux-plains premier avocat du roy au bureau des finances de la généralité du Berry et demoiselle Marie-Marguerite Geoffrenet de Rhodais, a été bénite par moy curé de Saint-Amand en présence de maitre Pierre Geoffrenet des Beauxplains avocat au parlement et subdélégué, Pierre Geoffrenet sieur de Rhodais conseiller du roy élu en l’élection de […], André Simond prêtre curé de la Celle-Bruères, Nicolas Hérault ancien chanoine, de mademoiselle Marie-Jeanne-Virginie-Denise épouse du dit sieur de Rhodais, de Mademoiselle Marguerite-Françoise des Robert et M. François Pajonnet prieur curé de cette paroisse. »

Le curé de Saint-Amand s’appelle Damont (installé en 1752). En marge est écrit « la dite cloche pèze 258 livres ».

Un récapitulatif de recettes et dépenses de la fabrique d’Allichamps trouvé aux Archives du Cher (F 613 n° 82, feuille recto-verso dont il nous manque la fin) pour les années 1773 à 1776 nous confirme dans les dépenses des travaux pour le clocher et le remontage des cloches :

« Compte que rend par devant vous monsieur l’Abbé Aupie, chanoine de la cathédrale et archidiacre de Bruères, Charles Robin procureur fabricien de l’église paroissiale d’Alichamps, de la recette faite tant par Michel Perronnet cy devant procureur fabricien que par lui des revenus de la dite église pendant les années 1773, 1774, 1775 et 1776 sous la protestation de porter en reprise les sommes dont il n’a pas été payé.

  • Chapitre de recette :
    • le comptable se charge et fait recette de la somme de 18 livres plus de celle de 6 livres pour quatre années de la rente de 6 livres dües sur le pré de l’Aunay par le sieur Des Réaux suivant sa reconnaissance reçue le 20 juillet 1765 par Dumont notaire à Bourges de 24 livres.                                          cy        24
    • – plus de la somme de 40 sols pour 16 années de la rente de 2 sols six deniers düe sur la chapelle Notre-Dame en cette église                                                                                               cy         2
    • – plus de la somme de 7 livres 10 sols par le sieur Rolet médecin sur la chapelle de Saint-Jacques pour 29 années de la rente de 5 sols par an                                                                           cy         7.1.0
    • – plus de la somme de 193 livres 10 sols pour 4 années de la ferme du pré Levraut et du champ du cimetière que tient François Jurbaut                                                                                        cy         193.1.0

Le total de la recette monte à la somme de 227 livres

  • Chapitre de dépense :
  • le comptable fait dépense de la somme de 8 livres employée au paiement d’une partie 
     de la croix argentée                                                                                                cy         8
  • plus de celle de 60 livres pour achat de deux nappes d’autel, de deux aubes                 
    et deux chasubles de soy                                                                                          cy         60
  • plus de celle de 4 livres pour 6 bouquets artificiels                                                       cy         4
  • plus de celle de 6 livres pour 4 années de blanchissage du linge de l’église                     cy         6
  • plus de celle de trente six livres prix de l’armoire vendüe par Aujoannet menuisier;        
     et placée dans l’église                                                                                              cy         36
  • plus de la somme de douze livres payée à Monvoisin vitrier suivant sa quittance           
     du 21 juin 1775                                                                                                      cy         12
  • plus de celle de trente sols payée à M. l’archiprêtre pour les Saintes huiles des dites       
     quatre années                                                                                                        Cy         1.1.0
    • Pour un sous-total de 279 livres et 4 sols (changement de page)
  • plus à Fleurant couvreur pour réparations au clocher 17 livres 6 sols                            cy         17.6
  • plus fait la dépense de la somme de 2 livres payées à Baudat pour un joug et              
     avoir remonté la cloche                                                                                           cy         2
  • plus de la somme de 3 livres 16 sols payés à Boufard pour la grosse cloche                   cy         3  1  6
  • plus de la somme de 2 livres 11 sols pour l’acte de nomination du dit rendant compte   cy         2.01.1
  • plus de la somme de 3 livres 10 sols y compris les 35 sols à vous payés, Monsieur, le 16 décembre 1775 pour droit de procuration                                                                                                 cy         3  1  1
  • plus de 21 sols pour papier des registres                                                                     cy         1  1
  • plus de 30 sols pour l’envoi des dits registres                                                              cy         1  1  0
  • plus de la somme de 5 sols pour papier du présent compte                                          cy         5
  • Le total de la mise monte à 311 livres 3 sols                                                               cy         311  3
  • Chapitre de dépense :

Le comptable demande qu’il lui soit passé en reprise la somme de 18 livres düe par le sieur Des Réaux

  • pour 3 années de la rente de 6 livres dont il (?) au chapitre de recette                          . cy       18
  • plus la somme de 7 livres 10 sols düe par le sieur Rolet pour 29 années de la vente de 5 sols düe sur la chapelle de Saint-Jacques                                                                                        CV        7.1.0
  • plus de la somme de 40 sols pour 16 années de la rente de 2 sols six deniers die sur    
    la chapelle Notre-Dame                                                                                          Cy         2

Vu et arrêté le présent compte que nous a présenté Charles Robin procureur fabricien par l’examen duquel nous avons trouvé que la recette monte à la somme de 227 livres et la dépense à celle de 311 livres 3 sols. Partant le chapitre de dépense excède celui de la recette de la somme de 84 livres 3 sols, laquelle a été avancée par le dit sieur prieur curé, ainsi que celle de 87 livres 3 sols 6 deniers portée au précédent compte, les dites deux sommes faisant ensemble celle de 171 livres 6 sols 6 deniers que le dit Robin. »

Depuis 1772, Pajonnet termine son registre paroissial de l’année par un récapitulatif ou tableau des baptêmes (filles-garçons), mariages et sépultures ou obits (hommes-femmes ou mâles-femelles). Mais ses totaux ne correspondent pas toujours – à une ou deux unités près – à ceux que nous trouvons !

  • En 1777, 21 actes se répartissent en 12 baptêmes, 6 mariages et 3 enterrements.
  • En 1778, 27 actes se répartissent en 14 baptêmes, 3 mariages et 10 enterrements.

Une minute notariale (AD18, E 22038) nous en dit un peu plus sur le fonctionnement de la fabrique d’Allichamps qui gère les biens de l’église et veille aux travaux :

« Aujourd’hui 15 mars 1778 nous notaire royal en Bourbonnais à la résidence de Saint-Amand soussignés sommes, à la réquisition du procureur fabricien syndic et habitants de la paroisse d’Allichamps, transportés au devant de la principale porte d’entrée de l’église paroissiale d’Allichamps à l’issue de la grande messe dite et célébrée en la dite église où étant sont comparus Charles Robin procureur fabricien, François Raby sindic, Blaise Frapin marchand boucher propriétaire, Jean Renard laboureur, Michel Jamet tisserand propriétaire, Charles Marial laboureur, Charles Aussour, Antoine Labrault et Gilbert Girand laboureur, Louis Personnat, François Imbault, tous habitants propriétaires en la dite paroisse d’Allichamps et formant la majeure partie d’yeux qui nous ont exhibé la requête par eux présentée à Monseigneur l’Intendant tendante à ce qu’il lui plut leur permettre de s’assembler à l’issue de la dite messe paroissiale pour délibérer […] requête qui ont pour objet la réparation à faire au cimetière ainsy qu’à exiger la reconnaissance et le payement des rentes de quelle nature qu’elles soient dues à la fabrique de la dite paroisse, ensuite de laquelle est l’ordonnance de Monseigneur l’Intendant du quatorze février dix huit qui permet aux habitants de s’assembler sur l’objet dont il s’agit sur la matière mise en délibération et lecture faite aux comparants de la dite requête et ordonnance, ont tous été d’accord et d’un avis commun que le cimetière de la paroisse sera retranchée à prendre du coin de la seconde nef (?) qui fait un angle rentrant dans le cimetière tirant en droite ligne jusqu’au mur méridional du dit cimetière, autour duquel cimetière sera fait un mur de clôture de cinq pieds de hauteur hors terre, et qu’ils autorisent le sieur Charles Robin procureur fabricien à faire reconnaître et payer les rentes dues à la fabrique, et ont les comparants signé avec M. Etienne Boucart de Châteaufer et habitant de la dite paroisse, présent, sauf ceux qui ont déclarés ne le savoir et ce qui en- quis c’est ainsy lu, fait et passé au dit lieu d’Allichamps au devant de la porte après midy, en présence de Sieur Pierre Auclerc maître chirurgien et Joseph Gorjon bourgeois demeurant tous les deux en la ville de Bruères paroisse de La Celle, témoins qui ont aussy signé après lecture faite […] »

Le prieur Pajonnet, bien que non mentionné, signe aussi ce compte-rendu de l’assemblée des habitants passé devant notaire pour en officialiser les décisions.

  • En 1779, 25 actes se répartissent en 7 baptêmes, 12 mariages et 6 enterrements. C’est l’année record des mariages, avec 9 en février et plusieurs le même jour.
  • En 1780, 45 actes se répartissent en 16 baptêmes, 8 mariages et 21 enterrements. C’est l’année la plus chargée en actes de la carrière de Pajonnet – hors la période de cumul avec les actes de Farges – à cause des enterrements qui se concentrent entre août et novembre. Epidémie, condition climatique particulière ?

C’est le 13 août de cette année que nous apprenons, par une minute notariale (AD 18, E 22043), qu’après des dizaines d’années de contestation, l’érection de l’église succursale de Farges en église paroissiale autonome, consentie à la fois par le prieur curé, la fabrique et le syndic d’Allichamps (voir ci-après les détails de la minute à « Registres de Farges », p.71).

  • En 1781, 22 actes se répartissent en 17 baptêmes, 2 mariages et 3 enterrements.

Concernant les métiers cités plus haut, on constate grâce aux actes de mariage, qu’ils s’exercent souvent de père en fils.

  • En 1782, 37 actes se répartissent en 14 baptêmes, 3 mariages et 20 enterrements.

Notre prieur curé a 70 ans.

« Le 29 janvier en conséquence de l’ordonnance rendue par M. Bonnet bailli de Bruère en datte du jour précédent a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse le corps infect d’un inconnu qui paraissait avoir l’âge de 30 ans au moins, la tête étant sans cheveux, et sa taille d’environ 5 pieds, couvert des lambeaux d’un justaucorps de toile et d’une veste de couleur bleue, trouvé au bas de la digue de Bigny dans la ri-vière du Cher dans laquelle il s’est noyé depuis longtemps suivant les apparences. »

En novembre :

« En conséquence de l’ordonnance rendue aujourd’hui par le juge de Bruères, le corps d’un homme inconnu qui a déclaré avoir ménage et 3 enfants au lieu de la Crête (?) décédé subitement à la Chastelette, et qui paraissait âgé de 52 ans et plus, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse par moi prieur curé en présence de Charles et Jean Renard laboureurs au domaine de la Chastelette »

  • En 1783, 25 actes se répartissent en 15 baptêmes, 1 mariage et 10 enterrements.

«  Le 14 mai par ordonnance du sieur bailly de Bruères en datte du jour précédent signée Bonnet de Sarsay, le corps de Claude Renaudet, faiseur de panier, n’ayant aucun domicile, trouvé noyé dans la rivière de Cher au dessous de l’écluse des Bordes, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse. »

« Le 19 novembre, en vertu de l’ordonnance du sieur bailly de Meillant en datte du même jour et signée Bonnet du Sarsay le corps de Pierre Bertagnol, menuisier de la paroisse de Chambon, époux de Françoise Bengy, trouvé noyé au dessous de la digue de Bigny dans la rivière de Cher d’ou il a été retiré par Givardon et Pierre Bail (?) qui a dit le reconnaître, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse. »

Il est étonnant de retrouver (AD18, série B 4295, extrait du baillage de Meillant) le procès-verbal de la levée du cadavre de ce Pierre Bertugnot, menuisier à Chambon, trouvé noyé dans le Cher sur la paroisse d’Allichamps.

Tous ces cas de noyade ne concernent que des garçons ou des hommes, aucune femme répertoriée. Ces noyades ne sont sans doute pas toutes accidentelles, on peut penser que certaines sont peut-être des suicides.

C’est en 1783 que l’historien Félix Pallet (1744-1813), publie le premier volume de sa Nouvelle Histoire du Berry (qui en contiendra cinq en tout jusqu’en 1786). Il consacre au chapitre II une quarantaine de pages à l’« Ancienneté de la Province du Berry, établie par ses antiquités Gauloises » (p. 3 à 43), où il reprend une bonne partie des informations apportées par le Recueil des Antiquités (1759) du Comte de Caylus et cite abondamment (p. 6 et 7) le travail et les nombreuses découvertes de notre prieur sur les sites d’Allichamps et de Drevant , avec lequel il a été en contact :

« Les fouilles qu’a fait faire dans cette paroisse M. Pajonnet qui en est le curé, pour remplir les vues de M. Dodart, lors intendant du Berry, ont donné lieu aux découvertes de ces monuments dont il a l’avantage de posséder les originaux. Cet avantage l’a mis à portée de faire des notes, des observations et des explications importantes, qui m’ont servi pour faire la dissertation placée dans le cours de ce chapitre. On y corrige les fautes glissées dans les dessins non corrigés et sur lesquels on a gravé les planches qui sont dans le célèbre ouvrage de Mr. de Caylus. »

Une autre note p. 14 : « Voyez pour l’explication de ces figures la dissertation qui suit, puisée dans les Mémoires, Notices et Observations qui m’on été fournies par M. Pajonnet, prieur d’Alichamps, propriétaire des originaux des Monuments. ».

Comment se présentaient ces Mémoires, Notices et Observations de Pajonnet ? Eparses, rassemblées, en un seul document, manuscrit, imprimé ? Nous n’en avons pas pour l’instant retrouvé trace.

Les quatre planches d’illustrations donneront lieu à un tiré à part en 1785 lors de la sortie du tome IV de la Nouvelle Histoire du Berry :

« Nous ne craignons point de dire que ces Monuments Gaulois sont gravés avec la plus grande exactitude et pour qu’ils le fussent avec vérité, nous nous sommes rendus à Alichamps avec le graveur (M. Arault, natif de Bourges) qui a levé les dessins d’après les originaux et a gravé sur 4 planches vingt pièces de Monuments Gaulois, formant un cahier qui sera livré avec ce volume au prix de 3 liv. à MM. les souscripteurs et au prix de 3 liv.12 sols aux personnes qui ne justifieront point de reconnoissance de souscription. On a fait imprimer séparément l’explication de ces Monuments qui se vend avec les gravures 4 liv. 4 sols. »

Par Monuments Gaulois il faut entendre, pour la planche n°1, les deux bornes milliaires et des stèles; pour la planche n°2, des stèles avec inscriptions dont une transformée en sarcophage; pour la planche n° 3, les vue et plan de l’amphithéâtre de Drevant; et pour la planche n° 4, des tessons de poterie.

C’est ce même Félix Pallet qui est à l’origine en 1780 des Affiches, annonces et avis divers pour la ville de Bourges et généralité de Berry, un périodique présenté ainsi dans la préface de Christian-E. Roth dans la Bibliographie de la presse française politique et d’information générale des origines à 1944 – 18 Cher (Anne Plassard et Valérie Gressel, BNF, 2013) :

« Un juriste et piètre historiographe de la province décide de rédiger un organe d’information périodique « les Affiches, annonces […] » qui, une décennie durant, fait pénétrer en haut Berry les idées des Lumières et de la physiocratie. Son initiateur en est le Berruyer Félix Pallet, secrétaire particulier du procureur du roi, membre de la Société royale de physique, d’histoire naturelle et des arts d’Orléans. Avocat au baillage et siège présidiale de Bourges, sans guère de clientèle, il rédige son prospectus courant 1780, redoute l’indifférence, mais diffuse dès le 31 octobre une feuille périodique qui, avec beaucoup de changements de format, de périodicité et de libellé, survivra jusqu’en janvier 1790. Publication pionnière, mine d’informations, miroir de la vie quotidienne de la bonne société berruyère, cette modeste feuille de 4 ou 8 pages donne connaissance des ventes de maisons et commerces. Ses rubriques privilégient les informations sociétales et culturelles [.]. Les livraisons 1789-1790 rapportent par le menu la tenue des assemblées préparatoires aux Etats généraux, la rédaction des cahiers de doléances et les premières manifestations d’une révolution des esprits impatiemment souhaitée par certains. »

Ce périodique est imprimé à Bourges et diffusé auprès de Berrichons, Nivernais et Parisiens. Notre prieur en est certainement un lecteur, peut-être un souscripteur à moins que Félix Pallet ne lui en envoie gratuitement les numéros pour le remercier des informations communiquées pour sa Nouvelle Histoire du Berry.

  • En 1784, 15 actes se répartissent en 10 baptêmes, 2 mariages et 3 enterrements.

Au milieu des années 1780 (AD 18, F 613, n° 92), Pajonnet adresse le 18 septembre une lettre à une personne dont ne connaissons pas le nom :

« Monsieur, Feu le marquis de Bigny m’a souvent dit que vous possédiés Horace au point de pouvoir citer sur le champ ses épitres, ses satyres [.] Vous m’auriés donc pris hyer pour l’importun dont il se plaint. Cependant, Monsieur, je ne passais hyer le Tybre que pour vous obliger; car je sais que vous avez eu désir de faire une acquisition dont M. Trou vous parla hyer, et que vous (en) avez offert 5000 livres de pension viagère. M. Trou ne pouvant me dire qu’elles sont actuellement vos dispositions pour le prix, je prend le parti de vous écrire pour les scavoir. Vous pourés, si mieux vous aimés, prendre les objets à titre de vente ordinaire que vous rembourserés à votre volonté, néanmoins après le décès du propriétaire vendeur qui vous a follement préféré un autre acquéreur. Les objets sont voisins de cette forge ou vous venez de temps à autre, je puis donc vous dire avec votre ami Horace : omne tulit punctum qui miscuit utile dulci, parce que vous aurés l’agrément de pouvoir les visiter à votre aise pendant vos séjours icy. Avés donc, Monsieur la bonté de me mander qu’elles sont actuellement vos dispositions. Vous scavés que par le contrat de vente une partie de la pension est reversible. J’ai l’honneur d’être avec un sincère considération votre très humble et très obéissant serviteur; Pajonnet prieur curé d’Allichamps. »

Ce document n’étant pas daté, la référence à la mort du marquis de Bigny peut nous aider : il doit s’agir de Claude Il de Chevenon de Bigny, né en 1707 et décédé en 1779, qui possédait le château de Bigny, sur la rive gauche du Cher en aval d’Allichamps, et y résidait. Il ne peut s’agir de son fils Pierre-Charles de Chevenon de Bigny, né 1747 et mort en 1793, dont nous parlons un peu plus loin. À cette date, Pajonnet n’aurait plus pu signer avec son titre. Le document doit donc dater des années 1780.

Nous n’avons pas non plus connaissance du destinataire qui devait venir à l’une des forges de Bigny créées sous l’administration de Colbert (1669-1683). Etait-il antiquaire ? Les « objets » dont il est question proviennent-ils de fouilles de Pajonnet et exposés à Allichamps?

Horace est un poète latin (- 65 à – 8 avant J.-C.) qui a écrit des Satires, des Epodes, Odes et Epitres. Le passage du Tibre est une image pour parler de la traversée du Cher par Pajonnet. La traduction de la citation est : « Celui qui joint l’utile à l’agréable recueille tous les suffrages ».

Les affaires privées de François Pajonnet ne fonctionnent pas toujours comme il le voudrait et, le 28 octobre, il envoie à M. Pelletier, procureur ès Cour de Bourges, cette brève lettre (AD 18, F 613, n° 79)  :

« Monsieur;

Vous m’avès fait l’honneur de me dire que l’on ne pouvoit forcer M. de Bonneval à rembourser le principal du contrat de constitution pour lequel la vente consentie à son profit contient une délégation, et que pour cela il fallait l’assigner à Châteauroux. Un avocat de la même ville consulté a décidé que l’on ne pouvait exiger ce remboursement, sur le fondement qu’on ne peut forcer une somme de se libérer. Quel parti donc prendre, Monsieur ? Vous avés oublié de joindre au docier les saisies faites sur M. de Bonneval par Godat, et elles sont nécessaires. Je vous prie, Monsieur, de les retirer des mains de cet huissier qui a été payé, et de les remettre à Mr. le curé de Senecay porteur de cette lettre et qui veut bien se charger de me les apporter: J’attends ces actes pour pouvoir forcer enfin M. de Bonneval au payement des arrérages sur lesquels il n’a pas encore donné un sol. Si vous persistés, Monsieur, à juger qu’on peut le forcer au remboursement du principal, je vous prie de m’écrire la marche qu’il faut suivre. J’ai l’honneur d’être avec une sincère considération, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. »

Pajonnet signe sans titre et ni fonction puisque l’affaire est privée. M. de Bonneval est châtelain à Farges, l’une des familles aristocratiques de la paroisse. Sur quel bien porte le litige ? On ne le sait pas.

C’est dans une autre province que, le 30 décembre 1784, dans les Annonces, affiches, nouvelles et avis divers de la province du Poitou, apanage de Monseigneur, comte d’Artois, périodique publié entre 1773 et 1789 – qui a sans doute donné des idées pour la création des Affiches de Bourges dont il est question plus haut – est présentée la lettre d’un lecteur non nommé et qui ne signe pas, s’adressant à l’éditeur et rédacteur Chevrier :

« Ce qui peut concerner le Poitou, Monsieur; doit intéresser tous les Poitevins. C’est ce qui m’engage à vous prier d’insérer dans vos feuilles les demandes ci-jointes; je pense qu’elles trouveront dans vos lecteurs quelques personnes instruites qui voudront bien prendre la peine d’y répondre par la même voie. »

Suivent plusieurs interrogations : sur les débuts de l’imprimerie à Poitiers, les premiers imprimeurs, livres, librairies, et cette autre question : « Connait-on en Poitou quelques bornes milliaires ? S’il y en a, leur forme est-elle constamment ronde ? Ne sont-elles point creusées quelques fois ? » Une question étonnante, à la destinée surprenante et qui va être reprise en 1785… en Berry où justement notre cher prieur…

  • En 1785, 30 actes se répartissent en 9 baptêmes, 7 mariages et 14 enterrements. En janvier de cette année,

C’est Nicolas Morlet, desservant de Farges, qui effectue quelques mariages et baptêmes avant que Pajonnet ne reprenne le service.

Nous avons retrouvé ce contrat dit de « bail à moitié fruit » passé devant le notaire royal Dubois de Saint-Amand entre Pajonnet et un nouveau laboureur pour le domaine d’Allichamps (AD 18, E 22052). Quelques mots sont indéchiffrables [….], quelques termes juridiques ou concernant le travail agricole en vieux français nous sont inconnus. Ce type de contrat est plus proche du métayage que du fermage. Il ne nous donne pas la superficie du domaine en question.

« Fut présent M. François Pajonnet prêtre prieur curé d’Allichamps y demeurant paroisse du même nom, lequel volontairement a donné à faire valoir à moitié fruit profits et revenu pour le temps de neuf années continuer et [….] à la sixième l’avertissement préalablement fait de quelque part que ce soit sera aux frais du premier cy après qui commenceront au jour de Saint-Martin prochain et finiront à pareil jour six ou neuf années accomplies et revaluer, à François Martinet, Marie Pouzier sa femme qu’il autorise pour l’exécution des présentes et validités [….] et à Pierre Martinet leur frère et beau-frère preneurs solidaires laboureurs et communs, demeurant ensemble en la paroisse de Braise présent et acceptant le domaine appelé le domaine d’Allichamps situé en la même paroisse d’Allichamps composé de bâtiments, demeure, grange, étables, cour; jardins, chènevière, prés, terres labourables et non labourables, bois, patureaux, et généralement tout ce qui en dépend et tel que Charles Robin et consorts colon actuel en jouissent, que les dits preneurs ont dit bien savoir et connaître et promettent solidairement comme cy dessus de jouir du tout en bon père de famille sans démolition, détérioration ni dégradation quelconque sous l’obligation de tous leurs biens présent et à venir et à peine de tout domage intérêt en depens. Et encore sous les […] aux conditions et charges cy après :

Savoir de labourer; cultiver fumer et ensemencer au temps et saisons convenables les terres du domaine suivant la porté d’icelui, les semences de toutes espèces seront fournies par moitié et tous les fruits tant naturels qu’industriaux seront partagés aussi par moitié et celle au dit bailleur conduite en sa grange ou à celle du domaine ester d’après la battaison, les grains en provenant conduits en la ville de St-Amand, ou ailleurs si leur bailleur le juge ainsi pour les dits preneurs et à leur frais. De tenir clos et bouchés tous les héritages qui ont accoutumé de l’être et à leur sortie les laisseront bien clos et bouchés. D’ouziner et étopiner les prés, curer les éguires d’iceux et de les laisser à la fin de leur jouissance en bonne nature de fauche, faucher, fanner et resserer chauman [….] les foins d’iceux dans les bâtiments et fenils du dit lieu sans les pouvoir faire manger ny consommer au dit temps de leur sortie aux bestiaux ny autrement disposer non plus que le pailler, courtes pailles [….]. Payeront chaque année au dit bailleur la dîme de toute espèce feront tous les charois nécessaires pour l’entretien et réparation des choses affermées et grange du maître. Feront et voitureront […] et à la première réquisition du dit bailleur tous les bois dont il aura besoin et les vendanges de Servigner ainsy que celle de serclimer [….] et lui fourniront et conduiront aussy l’épine nécessaire pour la clôture de son jardin sans aucune rétribution.

Seront tenus les preneurs de faire à moitié le paineau [ … ] qui se trouvera dans la dépendance du dit domaine excepté celui de lauberie […] plantée au dessous de la grange dont la totalité demeure réservée au dit bailleur qui le fera faire aser frais et conduire par les preneurs a Servigner ou autre endroit qui leur indiquera.

Charroyeront le foin du Prélong et du Chambon au moyen de quoy le révivre leur appartiendra.

Garderont une jument et les suivantes, deux vaches et suivantes et deux porcs avec ceux du domaine et cela pour le compte du dit bailleur seul pendant le cours du présent bail.

Ne pourront les dits preneurs sous quelque prétexte que ce puisse être labourer ou charroyer pour autruy sans la permission [….] du sieur bailleur à peine de trois livres […] pour chaque journée ou charois qu’ils feront sans son consentement, clausse expresse sans laquelle les présents n’eussent été consenties par le dit Prieur.

Ne pourront abattre aucun arbre sur pied ni les écouronner, prendront seulement pour leur chauffage dans le bois des Rougeaux et non ailleurs du bois mort et gisant et épiner pour la clôture des héritages et jardins du dit bailleur les arbres nécessaires à leur araire de labourage, leur seront marqués par le dit bailleur ou gens de sa part.

[…] et netoyer les bleds dans les champs en faisaux convenables, de les couper et lier lorsqu’ils seront en ma- turité à leur frais, en pour le dit bailleur leur fournissant un ouvrier qu’il payera et qui sera par eux noury. Donneront chaque an au dit bailleur lorsqu’il le requérera six livres de beurre six poules et s’ils nourissent des dindes et des oyes ils en donneront aussi chaque an deux de chaque espèce le tout bon et recevable. Se chargeront au jour de Saint-Martin prochain leur entrée au dit lieu les gros et menus bestiaux qui se trouveront alors garnir le dit domaine et en consentiront à leur frais obligation de chetel au profit du dit bailleur auquel ils donneront une grosse, de présenter en forme exécutoire toutes [….]

ont en fin déclaré les parties que le revenu annuel du domaine est de la somme de cent quatre vingt quinze livres y compris les menus […] passé à St-Amand en l’étude de Dubois l’un des notaires royaux soussigné l’autre présent après midy l’an mil sept cent quatre vingt cinq le vingt cinq avril les dits preneurs ont déclaré ne savoir signer et ce enquis aprés lecture faitte.

 
Signé de : Pajonnet, Dubois, Bignon
»

Nous ne savons pas si ce laboureur Pierre Martinet est allé au bout de son bail de six ou neuf ans puisque la Révolution va bousculer le calendrier initialement prévu.

L’étonnante question d’éventuelles bornes milliaires en Poitou publiée dans les Affiches du Poitou est reprise dans le n° 13 du 30 mars 1785 des Affiches, annonces et avis divers de la ville de Bourges et du Haut et Bas Berry (autre libellé des Affiches de Bourges).

« En première page, rubrique Antiquités La lettre qui suit et que nous trouvons dans les Affiches du Poitou paroît mériter place dans notre feuille, par la raison qu’elle doit être regardée comme un témoignage certain que ce n’est que dans notre pays qu’il existe des bornes milliaires.

Lettre de M. l’Abbé*** à l’Auteur des Affiches du Poitou.

Je lis, Monsieur, dans votre Affiche du 30 décembre dernier; dans une lettre contenant plusieurs demandes, entr’autres celle-ci : Connoît-on en Poitou quelques bornes milliaires ? S’il y en a, leur forme est elle constamment ronde ? Ne sont-elles point creusées quelques fois ?

Je crois pouvoir répondre qu’il n’en existe point dans le Poitou. Les Antiquaires n’y en ont point trouvé, et j’ai même sous les yeux une Brochure nouvellement imprimée, intitulée Explication des Monuments Gaulois-Romains, par M. Pallet, Avocat au Parlement, Historiographe du Berry, et ornée de quatre planches, qui confirme mon sentiment. On lit pag. 5 de cette Brochure, que l’on a fait dans la paroisse d’Allichamps, prieuré cure du Diocèse de Bourges, la découverte d’une pièce creusée en forme de tombeau, qui avant d’être employée à cet usage, a servi de colonne milliaire; que c’est la première qu’on ait découverte dans l’étendue de l’ancienne Gaule, et qu’on en comptoit une à la Polla dans le Royaume de Naples, et on peut voir cette colonne milliaire, gravée avec son inscription à la planche première de cette Brochure qui se trouve à Paris, chez Le Gras, quai de Conti; à Bourges chez Provost, place des Carmes et se vend 4 liv. 4 sols.

Je vous prie, Monsieur, d’insérer dans votre Affiche mon observation, qui peut servir de réponse à votre demande. »

Cette question sur les bornes milliaires semblerait un peu « amenée » par le rédacteur de l’Affiche de Bourges qui est aussi l’auteur de cette brochure : de l’autopromotion en quelque sorte ! Mais elle va suivre son cours et interpeller notre prieur François Pajonnet qui va se fendre d’une « Dissertation » qui ne sera finalement publiée qu’un an et demi plus tard en 1787.

  • En 1786, 37 actes se répartissent en 12 baptêmes, 8 mariages et 17 enterrements.

«  Le 15 novembre le corps de Nicolas, fils de père et mère inconnus, numéroté sur la carte de l’Hôtel-Dieu de Bourges 3348, né le 5 novembre 1785, et décédé le jour précédent chez Jacques Lamisat, maison de (…) résidant, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse… ».

Cette information trouvée un peu par hasard (AD18, série B 4297, extrait du baillage de Meillant) signale la requête de Michel Jamet, fermier du bac de Bruère, contre les habitants de Farges et autres lieux environnants qui mettent rouir du chanvre dans le Cher. Elle est suivie de l’ordonnance en conséquence qui défend de mettre à l’avenir du chanvre séjourner dans l’eau près du port de Bruère. Elle nous confirme l’existence d’un bac, indiqué également sur la carte de Cassini. Ce bac affermé (par qui ?) permet le passage entre les deux rives. Passage des seules personnes ? De cavalier avec monture ? De voitures à cheval ou charrettes ? Il est parlé du « port » du Bruère : ce port est déjà cité avec celui de Vallon et de la Roche sur le Cher en amont (AD B 4259, 1726), comme est cité le métier de batelier. Où était ce port ? Aménagé sommairement ou avec un quai ? Utilisé par ce seul bac ou par d’autres embarcations naviguant sur la rivière, pour la seule descente ou la remontée du cours d’eau ? Transportant quelles marchandises ?

Il est parfois fait mention dans les textes consultés de chènevières, parcelles où l’on cultivait le chanvre, au plus près des maisons et jardins. Le chanvre semble plus utilisé pour sa fibre que pour l’huile que l’on peut obtenir à partir des graines ou chènevis. La plante coupée était mise à rouir ou macérer dans l’eau pendant dix à douze jours pour séparer l’écorce filamenteuse de la tige.

  • En 1787, 29 actes se répartissent en 15 baptêmes, 4 mariages et 10 enterrements.

Le 8 août 1787 Pajonnet envoie une longue lettre à un destinataire inconnu mais « antiquaire » (AD 18, F613, n° 78):

« Monsieur,

Empréssé de répondre à votre lettre dattée de Néris, je saisis l’occasion du Sieur Guillaumin chanoine de Montluçon. Si cette réponse ne vous trouve pas aux bains, l’empressement qui me la dicte sera du moins une preuve de mon désir de vous satisfaire promptement, et autant que me le permettent mes faibles connaissances. Pour le faire avec ordre, j’ai sous les yeux votre lettre et vos desseins si pittoresques qu’on ne peut s’y méprendre : mais les éclaircissemens que vous désirés demandent plus d’étendue que ne le comporte une missive ; cependant la vôtre l’exige et je crois qu’en pareille occasion il vaut mieux ennuyer un peu que de laisser désirer ardemment. Dans cette persuasion pour qui je m’étendrai beaucoup mais avec la précaution d’appuyer d’autorités mes observations sur chaque numéro de vos desseins. Quoique la tête de votre n°1 soit anépigraphe, je crois comme vous, Monsieur, qu’elle représente celle de Philippe roy de Macédoine. Tous ses traits sont les mêmes que ceux exprimés sur la médaille de ce prince que vous avès […] : mais (comme Rouillé dans son J con) vous la couronnés de lauriers, et quelques auteurs prétendent que la dépouille du lyon doit être la couronne et l’ornement de la tête de ce rov. C’est même le sentiment de Dom Mangeart dans son introduction à la science des médailles. En effet quoique ma médaille soit usée par le …, la tête y est couverte de la dépouille du lyon qui a la vérité paroit surmontée d’un autre ornement que l’on pouroit absolument prendre pour une couronne de laurier. Le monétaire qui l’a frappé a peut être ajouté cette couronne (si en est une) pour nous rappeler et conserver le souvenir de deux évènemens que nous a transmis Justin. Cet auteur après nous avoir décrit dans son huitième livre, n° I : le désespoir qui porta les Phocéens à piller le temple de Delphes, nous apprend n° 2, que pour venger cette impiété, les Thébains et les Théssaliens se réunirent et levèrent une armée, dont ils donnèrent le commandement à Philippe : que ce prince comme vengeur du sacrilège commis par les Phocéens, donna des couronnes de lauriers à ses soldats, en prit une lui même, se présenta à ce peuple sacrilège, comme marchant sous la conduitte d’Apollon, et qu’à l’aspect des enseignes de ce dieu, les Phocéens furent si effrayés que loin de se défendre, ils jetterent leurs armes et prirent la fuitte. De la sans doute la couronne de lauriers ajoutée sur votre médaille dont le revers chargé d’un bige a pour inscription à l’exergue un mot illisible les trois première lettres que je crois grecques paroissent être un rho, un iota et un lambda, mais les autres ne sont pas assez formées pour hazarder d’en fournir le mot ou le nom de quelque personne, peutêtre de quelque ville prise par Philippe. Je présume que le peu de conservation des caractères ne vous a pas permis de les vendre mieux. L’inscription également placée à l’exergue de ma médaille n’est pas mieux conservée: mais la première ne serait-elle pas un […], au lieu d’un rho, en ce cas le mot pouroit être (mot en grec avec renvoi à une note, partie en grec et en latin.….), Philippe, et confirmeroit notre jugement sur cette médaille. Sur la mienne le front du prince est orné de la trompe d’un éléphant, et au bas du bige se voit une lyre. Mais en voilà assés et peut être trop sur votre premier numéro.

Passons au second et au quatrième qui paroissent vous interesser.

Vos desseins, Monsieur rendent avec tant de vérité les médailles numérotées 2, 4 qu’au premier coup d’oeil, je les ai reconnues pour sœurs de celles que je possède. Vous jugés avec raison qu’elles sont Gauloises : mais ne vous attachés pas à ces pièces dont on trouve grand nombre dans notre Gaule et notamment dans ma paroisse : elles ne trouvent place que dans ces grands et riches cabinets ou tout antique est admis : mais elles sont rejettées des cabinets particuliers, parce qu’outre la difformité de leur fabrique, elles sont de toute inutilité pour l’histoire; cependant on doit excepter celles sur les quelles on lit le nom de quelque ville ; car elles peuvent servir à éclaircir un point d’histoire ou de géographie, à assurer le site et l’antiquité de plusieurs villes aujourd’hui connues sous un nom différent de celui qu’elles ont jadis porté. Par exemple sur une de ces monnoies on lit ABALLO. On sait que cette Aballo est Avalon, mais de plus cette pièce nous apprend qu’elle a été moulée à Avalon. Il y avait donc dans cette ville une fabrique de monnoie quoique les Gaulois ayent, suivant César, fait usage des lettres grecques, je ne crois pas que l’on doive prendre pour un delta le triangle figuré sur votre médaille et placé sous le ventre du cheval qui en fait le revers ; car si c’étoit la première lettre d’un nom ou d’un mot, toutes les autres nécessaires pour le composer, n’auraient pas été omises, qu’il faut done supposer qu’elle est une initiale, en ce cas elle seroit fort inutile qu’au lieu d’instruire, elle donneroit seulement lieu à différentes conjectures. Il vaut mieux donc penser comme le célèbre Comte de Cavlus qui, dans son sixième volume, nous observe que les lettres apparentes sur les médailles gauloises y sont tracées plutôt comme ornement que comme des caractères qui doivent avoir une signification. Dans cette persuasion il ajoute que plusieurs antiquaires ont rapporté des médailles gauloises sans autre objet qu’un mouvement de curiosité, parce qu’elles ne peuvent instruire sur l’histoire. En faisant cette observation il paroit avoir plus particulièrement en vue le Père de Monfaucon, autre savant antiquaire qui dans son troisième volume de l’Antiquité expliquée nous a donné une planche entière de monnoies gauloises qu’il divise en trois classes. Dans la première il comprend celles qui sont d’un gout si barbare, qu’elles présentent des têtes hors de toute proportion, et dont la figure humaine est à peine reconnoissable. Dans la seconde classe il place celles, qui quoiqu’encore barbares et d’un goût grossier, sont cependant plus supportables que les précédentes. La troisième classe est composée de celles qui approchent le plus des anciennes médailles romaines. En partant de ces trois divisions, je place dans la seconde classe votre médaille numérotée 4, parce que les types annoncent du progrès dans les arts. A l’égard de celle numéro 2, je crois qu’elle doit être placée dans la 3ème classe, parce que sa tête approche le plus des anciennes médailles romaines, et qu’elle paroit fabriquée peu de temps avant l’entrée de César dans les Gaules. Tout ce que je puis ajouter à ces différentes réflexions sur les monnoies gauloises se réduit à observer que n’ayant été moulées sur aucunes de celles qu’un pays civilisé a pu fabriquer; on peut les regarder comme originales, ou nationales, et comme une preuve de l’ignorance, ou du mauvais goût de nos pères gaulois. Mais cette observation qui n’intéresse que les arts et le goût laisse subsister l’inutilité de ces pièces. Rendès donc, Monsieur; celles dont on vous propose l’acquisition, ou si vous avès désir de posséder une médaille gauloise préférés au numéro barbare 4, celui numéroté 2. A l’égard du numéro 3, la fabrique en est certainement romaine, il a été frappé et non moulé, cela est prouvé par l’inscription qu’on lit à l’exergue, et dont vous avez demandé l’explication. Elle suivra immédiatement l’explication du revers dont elle fait partie, mais commençons par la tête sur ce numéro 3: la tête d’Arcadius ceinte du diadème a pour légende D.N.ARCADIVS.P.F.AUG. Il est Dominus Noster Arcadius pius felix augustus. Au revers de cette médaille, c’est le même empereur revêtu de sa cotte d’armes, foulant du pied gauche un captif étendu sur la terre. Sa main droite s’appuye sur une enseigne militaire, et de la gauche il soutient un globe surmonté d’une victoire : dans le champ sont les deux lettres R.V, elles sont initiales de Roma victrix : à l’exergue on lit conob.idest constantinopolis officina secunda, la légende VICTORIAAVGGG nous apprend le temps et la raison qui ont donné l’etre à cette médaille. L’an de Rome 1139 et de notre salut 386, Théodose le Grand ayant vincu les Scvthes qui pillaient la Macédoine et la Théssalie, entra avec Arcadius en triomphe à Constantinople. Cette médaille a donc été frappée l’an 386 de l’ère chrétienne pour annoncer à la postérité la victoire et le triomphe de Théodose et Arcadius. Comme Honorius le second de ses enfants n’étoit pas né pour lors, les 3 G nous désignent Gratien, Théodose et Arcadius. A cette explication je crois devoir joindre des observations sur l’altération de la légende de la tête, et sur l’exergue au revers. Jamais Arcadius n’a prit le titre de père de la patrie, et à la légende de la tête vous avés ajouté deux P, ce qui voudroit dire pater patria. Examinés bien votre médaille, et vous n’y trouverés pas ces deux P, mais P.F., ce qui signifie pius felix. A l’exergue vous avés copié con pour comod. Ce qui veut dire contantinopolis moneta officina secunda. Cette explication est la seule admise, quoique quelques auteurs ayant voulu expliquer ob. par obvisum be. Voilà, je crois, tout ce que vous pouvés désirer sur cette médaille qui vaut au plus quinze francs. Passons maintenant à votre petit bronze dont vous ne m’envoyés ni le type, ni la légende du revers qui seuls peuvent juger si il est rare ou commun. La légende de la tête ne permet pas de douter qu’il est de Florien, frère de Tacite, mais seulement frère utérin, vous m’ecrivés, Monsieur; qu’il a été assassiné par ses soldats l’an 276, c’est le sentiment de Flavius Vopiscus qui dit qu’il s’étoit emparé de l’empire, non senatus autoritate, sed proprio motui mais Sextus Aurélius Victor et Joannes Bapt. Egnatius détruisent ce sentiment. »

Puis suit un passage de quelques lignes en latin du premier historien, puis du troisième; Flavius Vopiscus est l’un des auteurs fictifs de l’Histoire auguste, recueil de biographies d’empereurs romains composé en latin à la fin du IV° siècle. Sextus Aurélius Victor (327-390) est un historien et homme politique romain. Joannes- Baptista Egnatius (1473-1553) a écrit une Histoire des César.

Cités plus haut dans cette lettre, et signalant une fois de plus la culture et les connaissances de François Pajonnet, sont référencés le père de Monfaucon, ou Bernard de Montfaucon (1655-1741), moine bénédiction, savant père de la paléographie et de l’archéologie auteur de L’Antiquité expliquée et représentée en figures (19 volumes) à partir de 1719. Dom Thomas Mangeart (1695-1763) est un autre moine numismate auteur de l’Introduction à la science des médailles publiée à sa mort en 1763.

Pour les historiens dont il est question ci-dessous, Charles Le Beau est français (1701-1778), qui a écrit une monumentale Histoire du Bas-Empire (de l’empereur Constantin à la prise de Constantinople) à partir de 1757. Quant à Louis Jobert (1637-1719), ce jésuite numismate publia en 1692 Science des médailles, revue et corrigé en 1739 par Bimard de la Bastie.

« Passés moi, je vous prie, Monsieur, ce petit point de critique. Si vous avés l’histoire, que je ne possède pas, du bas-empire, par M. Lebeau, consultés la. C’est le plus sûr auteur. Il faut avoir un grand désir de se procurer/posséder des monnoies antiques pour payer six louis les médailles numérotées 2, 3, 4. Le numéro 3 n’est porté qu’à […] par un très habile antiquaire, les deux autres ne doivent pas être payées que suivant leur valeur intrinseque.

A l’égard de votre grand bronze de César dont vous paroissés enthousiasmé je ne pourois, Monsieur, que vous répéter ici ce que j’ai eu l’honneur de vous dire; mais votre enthousiasme cessera, si vous prenés la peine de lire la dixième instruction du père Jobert : vous trouverez, page 339, votre médaille placée au nom- bre des fausses : vous y lirés qu’elle n’a ni la fierté, ni la tendresse de l’antique, j’ai eu l’honneur de vous observer que trois habiles graveurs, Cauvin de Padoue, Laurent de Parme et Carteron de Hollande ont fabriqué de fausses médailles qui approchent de très près de l’antique, mais leur manière plus fière, plus délicate n’atteint pas l’air fier de l’antique qui tient beaucoup plus du grand. On les reconnaît des traits qui les rendent suspectes à l’oeil du métal, et principalement au poids toujours moindre que celui du métal antique. Le père Jobert vous instruira mieux que tout ce que je pouvois vous ecrire. Je suis bien fâché de n’avoir pu vous prêter que la seconde édition. M. le Baron de la Bastie la fait réimprimer en 1739 avec des notes aussi étendues qu’instructives. Vous ferés bien de vous procurer à Paris cette dernière édition qui a été épuisé en peu de temps, et est devenue rare. C’est à de pareilles sources que vous puiserés des con noissances sûres, et beaucoup plus étendues que les miennes : mais je vous ennuie sans doute, Monsieur, et je finis par l’assurance du respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, Monsieur; votre très humble et obéissant serviteur.

Pajonnet prieur d’Alichamps.

Je supplie Madame d’agréer les assurances de tout mon respect.

 
Si vous adressés votre excellent tabac à Mr. Aucapitaine de Montluçon, je vous prie, Monsieur, de lui bien recommander de me faire tenir votre paquet par voye très sure. Votre Florian est rare, si il a au revers une des légendes suivantes…
» (suivent cinq lignes en latin).

C’est dans le n° 6 des Affiches de Bourges, rubrique « Littérature », qu’est publiée le 1er décembre 1787 une « Dissertation à l’occasion d’une lettre écrite par M. l’Abbé *** au Rédacteur des Affiches du Poitou répétée dans notre Feuille du 30 mars 1785 », qui va s’étaler sur six numéros jusqu’au n°11 du 15 mai 1788, signée « Pajonnet, Prieur-C. d’Allichamps ».

Pour une meilleure lecture, nous les transcrivons à la suite en précisant le numéro et la date. Une interruption de parution des Affiches de Bourges a lieu en février, mars et avril 1788 pour reprendre en mai 1788. Pajonnet a-t-il écrit le texte d’un seul jet, divisé en six parties pour les besoins de la publication qui ne pouvait lui consacrer toute sa pagination – comme un numéro spécial – ou en plusieurs fois ?

Au titre de cette « Dissertation à l’occasion d’une lettre écrite par M. l’Abbé *** au Rédacteur des Affiches du Poitou répétée dans notre Feuille du 30 mars 1785 », une note de bas de page nous précise : « Quelques raisons particulières nous ont mis dans le cas de laisser cette dissertation dans notre portefeuille depuis environ deux ans et demie; voilà la cause de son retard à paroître. Note du Rédacteur. »

 En voici le contenu :

« Ipsis autem tantis de rebus responsum nullum dedisti. Cic. pro plan. N° 34.

On n’est pas surpris de trouver parmi les gens de lettres des sentiments fort différens et même opposés, sur des matières purement conjecturales : mais une diversité d’opinions sur certains points d’histoire que les anciens nous ont unanimement transmis et que les modernes semblent avoir adoptés et reçus comme faits constans, sera toujours aussi étonnante qu’elle est rare. On a donc lieu d’être étonné de l’assertion avancée par M. l’Abbé *** car si de simples observations pouvaient tenir lieu de preuves, combien de doutes encore subsistans seroient levés ! Combien de vérités obscures deviendroient lumineuses aux yeux de ceux qui les cherchent, et ne peuvent les découvrir ! Mais le sage, guidé par une raison éclairée, pense, agit bien différemment dans ses recherches; n’osant asseoir son jugement sur des présomptions, même les plus fortes, il remonte à la cause, il en compare les effets; il discute les raisons et pèse les autorités ; loin de se décider sur les apparences, souvent trompeuses, il les tient pour suspectes, parce qu’il sait que la cimbale la plus retentissante ne contient que de l’air; parce qu’il n’ignore pas qu’il est des nuées sans eau, comme il est des opinions sans fondement, ainsi que des écrits capables de nous détourner de la voie du vrai, pour nous conduire et nous égarer dans celle de l’erreur : car, quoique l’on écrit depuis très longtems, il serait absurde de dire que tout est enfin écrit ou éclairci.

En effet, quelque nombreux que soient les ouvrages qui nous ont procuré des découvertes aussi multipliées dans les siècles passés, que variés dans celui-ci, nos connaissances sont encore et seront fort long-tems très bornées. Pour les étendre, quel besoin n’avons-nous pas de plusieurs de ces hommes profonds, laborieux et si nécessaires pour éclairer et diriger les travaux littéraires ! mais, sans percer dans l’avenir, on peut présumer que leur nombre n’égalera jamais celui de ces écrivains foibles, et cependant si actifs, qu’ils ai- ment mieux hasarder du nouveau, que de laisser reposer leur plume : delà tant d’écrits superficiels, tant de productions inutiles, tant de mauvais commentaires, plus propre à nous jetter dans l’incertitude qu’à nous persuader, plus capables de nous égarer que de nous guider dans la recherche de la vérité. On peut dire que telle est une lettre insérée dans les Affiches du Poitou, que je ne vois point et le 30 mars dernier dans celles du Berri; il a sans doute tenté de donner à sa Patrie plus de célébrité qu’à la Province du Poitou. En faveur d’une intention si naturelle à tout bon Patriote, on lui passeroit plus volontiers son erreur, si elle ne prêtoit gratuitement au savant comte de Caylus un sentiment trop opposé aux autorités reçues. Il est vrai que dans le troisième volume de son recueil d’Antiquités Egyptiennes, Etrusques, ques, Romaines et Gauloises cet illustre Antiquaire nous donne l’explication d’une colonne itinéraire découverte à Allichamps en 1758, et nous dit, page 371, n° I que cette colonne n’a sa pareille qu’à la POLLA, dans le royaume de Naples. De cette assertion très simple, M. l’Abbé ***, que j’honore sans le connoitre, conclut dans sa lettre, qu’il n’existe (et sans doute n’a jamais existé) point de colonnes milliaires dans le Poitou. En se produisant anonyme dans le monde, on peut hasarder une opinion nouvelle, même la défendre, pour se distinguer; mais un motif plus désintéressé me porte à combattre M. l’Abbé***. Heureux. si je puis prouver son erreur; et procurer à la presse quelques écrits plus dignes de l’impression que celui-ci qui n’a pour objet que la réfutation d’une opinion si contraire à l’usage pratiqué chez les Romains, établi de tout tems chez nos pères, et par eux suivis, même après avoir été vaincus et subjugués par César, usage dont la mémoire se trouvera conservée, et la pratique comme gravée en gros caractères sur des monuments que des recherches ou le pur hasard pourront nous procurer. En attendant voici les questions qui ont occasionné l’erreur et la lettre de M. l’Abbé***

« Connoît-on en Poitou quelques bornes milliaires ? S’il y en a, leur forme est elle constamment ronde ? Ne sont-elles point creusées quelques fois ? » M. l’Abbé***, qui apparemment ne veut pas s’occuper des dernières demandes, a cru satisfaire à la première par une réponse négative. « Je crois pouvoir répondre qu’il n’en existe point dans le Poitou. Les Antiquaires n’y en en ont point trouvé, et j’ai même sous les yeux une Brochure nouvellement imprimée, intitulée Explication des Monuments Gaulois-Romains, etc., qui confirme mon sentiment. »

La suite l’ordinaire prochain. ».

Affiches de Bourges, etc. du 15 décembre 1787, n°7, rubrique « Littérature »

« Suite de la Dissertation à l’occasion d’une Lettre écrite par M. l’Abbé***

On convient que le célèbre Comte de Caylus, premier auteur de cette explication, a écrit, comme on l’a déjà observé, que la colonne itinéraire, découverte à Alichamps, n’a sa pareille que dans le royaume de Naples : mais ce Savant étoit trop éclairé pour en conclure que cette colonne fut l’unique qui existât dans notre Gaule; il a seulement voulu nous en apprendre la découverte, parce qu’elle lui paraissoit intéressante, et nous dire que pendant qu’il travaillait à son recueil, elle étoit la seule connue dans les Gaules, si l’on excepte celle notée numérotée II., qui, selon lui, avoit été plantée à une lieue gauloise de la première, qui place Alichamps à 14 lieues de Bourges, I.XII, distance fixée à 13 lieues seulement par la seconde ; le sentiment de cet habile antiquaire ne peut donc être pris pour la confirmation de celui de M. l’Abbé ***. Je le crois trop ami de la vérité, pour craindre de sa part un jugement désavantageux sur les ruines qui portent à attaquer son opinion, à la combattre et à établir la mienne sur les ruines de celle qui lui persuade qu’il n’existe dans le Poitou aucune colonne itinéraire ; j’espère même qu’il les approuvera, et dans cette espérance je vais entré en lice.

Jusqu’à présent les Antiquaires n’ont trouvés dans le Poitou aucune borne milliaire, d’où M. l’Abbe*** conclut qu’il n’en existe point. Cette conséquence, pour ne rien dire de plus, paroît trop hasardée. En effet, avant l’année 1758, les Antiquaires n’avoient trouvé dans le Berry aucune colonne itinéraire. Pouvait-on assurer avant cette époque qu’il n’existoit dans le Berry aucune colonne itinéraire ? On se seroit beaucoup trompé en le soutenant, puisque j’y ai découvert celle dont la description et l’explication se trouvent dans la brochure que M. l’Abbé*** cite et invoque. Cette découverte seule autoriseroit donc à juger que la conséquence de M. l’Abbé*** n’est pas juste. Je laisse au lecteur à décider si mon raisonnement est fondé.

Mais j’ajoute que l’autorité d’un anonime ne suffit pas seule pour me déterminer à adopter son opinion j’avoue même que je suis plus porté à la regarder comme une lave qui s’élance pour balayer le terrein et aplanir le rivage, sur lequel on avoit autrefois placé des colonnes milliaires. Car, n’en doutons pas, le Poitou a eu les siennes, comme le Berry ses colonnes. La piété a pu en quelques lieux leur faire substituer des Croix, comme on l’a fait ici à la colonne, sur laquelle on lit AUR. L. XII. Peut être sont elles ensevelies sous la terre; peut être même en reste t’il encore sur pied quelques unes qui n’ont échappé jusqu’à ce jour aux Antiquaires, que parce quelles sont placées dans des lieux maintenant de difficile accès, ou fort isolés,

ou si solitaires, qu’ils ne sont parcourus que des gens incapables de connoître une pierre milliaire, de la distinguer, de juger de sa destination et de son mérite. Telle fut la découverte d’une colonne milliaire découverte en 1712, parmi les ronces et les épines, en défrichant la terre, près de Vic-sur-Aisne, lieu appelé par les anciens Vicus ad axonam.

Mais pour établir que de pareilles monuments ont existé dans le Poitou, et peuvent s’y trouver encor, ouvrons les itinéraires, que l’âge a respecté; consultons les anciens Géographes : remontons à ces temps éloignés, où les Druides et la Noblesse jouissoient seuls dans notre Gaule de tous les honneurs. Nos pères alors réunis sous un gouvernement Aristocratique, vivoient sous l’autorité de leurs Magistrats, de leur Sénat et des Chefs qui les conduisoient à la Guerre. Civilisés comme plusieurs autres nations, comme elles, ils avoient une mesure itinéraire qui leur étoit propre et particulière; car même les Grecs comptoient par stade, les Romains par milles; de même les Gaulois comptoient par lieues. On ne peut en douter, d’après le témoignage de Strabon, Ptolémée, Pline et l’itinéraire d’Antonin; témoigne que St. Jérôme confirme dans son commentaire sur Joel. Il n’est pas surprenant, dit ce Père de l’Eglise, que chaque Nation ait donné un nom à la mesure itinéraire dont elle se sert, et que les Latins nomment milles par la leur; tandis que les Gaulois appellent lieue celle dont ils font usage. Jornandes, après avoir nommé les différents peuples, que le vaillant Aètius prit à sa solde lors de la guerre contre les Goths, ajoute que l’on se rendit de part en d’autre dans les plaines Catalauniques, apellées aussi Mauritiennes, longues de cent lieus, mesure dont se servoient les Gaulois.

La suite l’ordinaire prochain. ».

Cette même année 1787 paraît Encyclopédie méthodique. Géographie ancienne d’Edme Mentelle, historiographe de monseigneur comte d’Artois, à Paris chez Panckoucke.

Dans son tome I à la page 612 à « ELISII CAMPI (Alichamps) : Peutinger nomme ce lieu Alvea. M. d’Anville prétend qu’Alvea est Ardentes; mais il fait cette erreur après le P. Labbe; car on a trouvé à Alichamps une colonne milliaire, sur laquelle sont marquées les distances de ce point à trois lieux différents; avantage au reste si rare, que l’on ne cite qu’un autre exemple, où plusieurs routes soient ainsi sur la même colonne *. Ces distances sont celles de Avaricum (Bourges); de Mediolanum (Château-Meillant), de Néris (Véris) ou Aquis Neri. Ces distances étoient, à partir de la colonne à Avaricum, quatorze lieues ; à Mediolanum, douze; à Neri, vingt cinq. La lieue gauloise, de quinze cent pas, étoit à peu près égale à une demi-lieue commune de France de onze cens quarante toises. Or il se trouve, de six à sept lives d’Alichamps à Bourges, six à Château-Meillant, douze à treize de Neris. »

Et pour la note :

« *J’ai vu cette colonne en 1784, dans le jardin de M.. curé d’Allichamp. C’étoit un homme fort instruit, recevant chez lui de d’accueil le plus obligeant, et communiquant avec la bienveillance la plus honnête, toutes les antiquités trouvées dans sa paroisse. La colonne dont il est question dans cet article, après avoir servi aux Romains pour indiquer les distances, fut creusée par des Gaulois pour servir de tombeau. Lorsque je la vis la première fois, elle étoit couchée à terre, et l’on n’en voyait que l’intérieur.

A ma prière, M. le curé eut la complaisance de travailler avec nous à la relever : elle est actuellement appuyée contre une muraille, et l’on y lit l’écriture taillée aux temps des Romains. J’avois fait sur le lieu un petit article plus circonstancié; mais malheureusement il s’est perdu. »

  • En 1788, 32 actes se répartissent en 18 baptêmes, aucun mariage et 14 enterrements.

Notre cher Pajonnet écrit deux fois le même acte !

Affiches de Bourges, etc. du Ier janvier 1788, n° 8, rubrique « Littérature »

« Suite de la Dissertation à l’occasion d’une Lettre écrite par M. l’Abbé***

Paul Diacre, suite d’Europe, mesurant les mêmes champs catalauniques, où les Romains et les François réunis combattoient le redoutable Attila, s’exprime aussi par lieue, et observe que la lieue est la mesure dont les Gaulois faisaient usage. Dans l’illustration de l’ancienne Aquitaine, par Dandin d’Altaserra on trouve l’explication de quelques termes Gaulois, rangés par ordre alphabétique. Au nom leuca, ce critique et savant Auteur assure que leuca est un terme gaulois qui exprime une longueur de quinze cent pas; dans cette explication, il s’appuie sur le témoignage d’Isidore de Séville, qui avoit écrit : « Chez nous (en Espagne) la mesure itinéraire est appellée mille, chez les Grecs stade, chez les Gaulois lieue ».

Enfin on lit dans le dictionnaire du Grammairien Hésychius, que la lieue est une mesure Gauloise.

Les Romains, après avoir fait la conquête de la Gaule, ne changèrent pas sa mesure itinéraire; quelque fois même ils la désignoient par la seule lettre L comme on le voit sur les deux colonnes d’Alichamps; mais plus ordinairement par ces deux mots, leuga, leugae, que l’on trouve dans l’itinéraire d’Antonin, ainsi que dans quelques inscriptions sur les colonnes itinéraires découvertes en France. C’est sans doute de ces deux mots leuga, leugae que s’est formé celui de legue fort en usage dans les provinces de ce royaume qui ont conservé une partie de la langue rustique. Pour dernière preuve, citons Amien Marcellin : cet Historien, assez exact, parlant de la jonction du Rhône et de la Saône, assure que ce lieu est le commencement des Gaules où l’on cesse de compter par mille pas, et où la lieue commence à être la mesure des chemins. Il est donc constant que les Gaulois avaient une mesure itinéraire qui leur était propre et particulière; que leurs voies publiques étoient divisées en distance et que chacune de ces distances était marquée par une pierre, comme on doit l’inférer du mot leuca. Camden semble le décider dans sa description de l’Angleterre, lorsqu’il nous invite à tirer le mot leuca du mot gallois ou celtique leach, qui signifie une pierre.

L’invitation de ce docte Anglois tend et doit en effet nous conduire à la persuasion; car si le mot celtique leuca, lieue, se tire du mot leach, pierre, ces deux mots s’accordent et se réunissent pour nous prouver que chez les Celtes, leuca exprimoit non seulement une lieue, mais encore la pierre placée pour fixer la longueur de la lieue. Tel a été le sentiment du célèbre Danville, qui dans son traité de la lieue gauloise, nous dit que que de la signification propre du mot leuca, on doit inférer que les Gaulois étoient dans l’usage de marquer leur lieues par des pierres.

En effet, quelques unes de ces pierres existoient encore sur pied et étoient connues dans le Poitou vers la fin du sixième siècle. Nous en trouvons la preuve dans Grégoire de Tours, qui parlant de la victoire remportée par Clovis sur Alaric, près Vouglay, place leur champ de bataille à la dernière pierre milliaire de la ville de Poitiers : car les deux mots, decimo milliario, doivent être pris pour adjectifs du substantif lapide; la raison est est évidente, et la preuve la plus propre à en convaincre, se tire de l’étendue réelle et absolue de l’espace qui répond à la distance exprimée par l’Auteur cité. Portons donc le compas sur la carte du Poitou, placée à la tête du 8ème volume de la description de la France par Piganiol de la Force. Je propose la carte donnée par Piganiol, parce que je n’ai point d’autres cartes du Poitou. Si nous mesurons sur celle-ci la distance de la ville de Poitiers aux champs de Vouglay, nous trouverons qu’elle est de cinq de nos lieues, qui sont équivalentes à dix lieues gauloises. Cette façon de compter les distances par pierres milliaires, s’étoit tellement conservée dans le Poitou, sous la domination des Romains, que l’itinéraire d’Antonin place le bourg de Rong, assis sur la Dive, à vingt lieues de Poitiers, dont il n’est éloigné que de dix de nos lieues. Rauraum, M.P.XX. Lemounum. M.P. XXI. De même. dans la description du chemin de Bourdeaux à Jérusalem; les distances sont données, tantôt par lieue, tantôt par pierres milliaires, comme Vanesia LXII, Auseius LVIII, ad sextum LVI, Tolosa VII, ad nonum milliarium IX, ad vicesimum sont des adjectifs numéraux qui nous indiquent la sixième, la neuvième, la vingtième pierre milliaire, façon de compter usitée quelquefois dans notre Gaule, qui cependant avoit la lieue pour mesure itinéraire, tandis que dans la Narbonnoise on comptoit par milles.

La suite l’ordinaire prochain. »

Affiches de Bourges, etc. du 15 janvier 1788, n°9, rubrique « Littérature »

« Suite de la Dissertation à l’occasion d’une Lettre écrite par M. l’Abbé***

C’est sans doute dans cette différence de compter qui a porté Aethicus à exprimer les mêmes distances par milles et par lieues, comme il l’a fait dans son Précis du Chemin de Bourdeaux à Jérusalem, où on lit : Matiscone MPXV, Leuc X. Lunna MPX. Leuc XV. On voit par là que les distances, quoiqu’expliquées d’abord par milles, correspondent toujours à la lieue qui étoit de quinze cens pas géométriques, et la mesure itinéraire de la Gaule, comme le prouve notre colonne d’Alichamps, qui porte à quatorze lieve la distance d’Alichamps à Bourges, quoiqu’elle ne soit que sept de nos lieues communes. Si l’autorité des Auteurs déjà cités, ne suffit pas pour persuader l’exactitude de cette mesure, on ne peut se refuser à la conviction que portent avec elles deux colonnes milliaires trouvées dans le territoire de Soissons. Sur la première, découverte en 1708, parmi les ronces et les épines, on lit Leuc. VII. Sur la seconde, trouvée près de Vic-sur-Aisne, et dont la hauteur étoit la même que celle de la colonne d’Alichamps, le piédestal compris, on lit également : Leuc VII. Leugis septem. M. Moireau de Mantour, qui nous a donné l’explication de ces deux Monumens, après avoir fixé l’érection du premier à l’an 202, et celle du second à l’an 212, observe que la difficulté sur la différence de compter les distances, est levée par des observations de l’Académie des Sciences, qui a trouvé cinquante lieues Gauloises dans un degré de latitude, qui ne comprend aujourd’hui que vingt-cinq lieues communes de France; d’où il suit que nos lieues communes sont plus longues de la moitié que ne l’étoient les lieves Gauloises, comme le prouve la distance de Vic-sur-Aisne, entre ce lieu et Soissons, qui n’est que de trois lieues et demie : quoique la colonne porte cette même distance à sept lieues Gauloises. Leuc VII.

Enfin l’usage de compter par lieues, et de les marquer par des pierres, a été constamment établi et suivi dans notre Gaule, que les Romains l’y ont eux mêmes pratiqué : comme le prouvent sans réplique, les deux colonnes itinéraires découvertes à Alichamps, sur lesquelles sont exprimées par lieues Gauloises, et avec beaucoup de justesse, les trois distances d’Alichamps à Bourges, à Chateau-Meillant et à Néris. Est-ce donc par pure complaisance, ou par un autre motif que les Romains, qui comptoient par milles, ont laissé subsister, et même suivis dans la Gaule, l’usage de compter par lieues ? Je l’ignore; mais le témoignage de Grégoire de Tours, que j’ai cité, prouve que le même usage étoit encore suivi de son tems dans le Poitou. On ne pourra se refuser à cette preuve, si l’on fait attention que les Gaulois, très jaloux de leur liberté, ont prodigué l’or; affronté le péril, et fait les derniers efforts pour la défendre et se la conserver. Forcés de céder à la valeur et à la fortune de César; ils furent obligés de subir la loi du vainqueur qui pour éviter les révoltes et de nouveaux combats, érigea notre Gaule en province Romaine, et la divisa; division qui ne fut que momentanée, et qu’Auguste reforma par une subdivision. Depuis cet Empereur, elle a été encore successivement divisée, et tellement partagée en provinces, que l’on y en comptoit dix-sept lors de l’irruption des Barbares, qui s’en emparèrent. Dans le nombre de ces dix-sept provinces, étoient comprises les trois Aquitaines, qui avoient pour Métropoles, Bourges, Bourdeaux et Eaulse à laquelle succéda Auch : sous l’Empire du Grand Constantin, Trèves devient la Capitale des Gaules, parce qu’un Vicaire du Préfet du Prétoire y faisait sa résidence. Après la destruction de Trèves par les Alains et les Vendales, la ville d’Arles fut décorée du titre de Métropole.

La suite l’ordinaire prochain. »

La revue s’interrompt pendant trois mois et on retrouve la fin de cette dissertation en mai.

Affiches de Bourges, etc. du 1er mai 1788, n°10, rubrique « Littérature »

« Suite de la Dissertation à l’occasion d’une Lettre écrite par M. l’Abbé***.

Mais dans ces divers changements, le Poitou a toujours fait partie de la seconde Aquitaine et il a toujours eu pour capitale Poitiers, appellé Limonum par Ptolémeé ; Lemounum par Aethicus, et Lemuno sur la carte de Peutinger. Ces différentes appellations de Poitiers, prouvent l’illusion de quelques modernes, qui prétendent que les Pictes ont bâti cette ville, et l’ont nommé Pictavis, par allusion à leur valeur, ainsi qu’à leur usage, de peindre leur corps; illusion d’autant plus grande, que l’on ignore encore aujourd’hui la vraie origine de ce Peuple : mais en supposant qu’il étoit une Colonie venue de la Thrace et de la Scythie, on ne peut se refuser à un avis décisif; savoir, que la langue latine n’a jamais été celle des Thraces ou des Scythes. Or; l’appellation Pictavis est composée de deux mots de la langue latine, que les Thraces ou les Scythes n’entendoient ni ne pouvoient parler; selon Ovide relégué à Tomes, où il mourut, après sept ans d’exil. A peine, dit ce Poète, chercheroit-on dans ce peuple, et trouveroit-on un homme qui puisse prononcer un mot latin des plus communs. Dans la dixième élégie il se plaint de ce que ces peuples, qui s’entretiennent les uns avec les autres dans un langue qui leur est commune, ne l’entendent pas lorsqu’il leur parle : mais moi, dit-il, je ne puis me faire entendre que par des gestes et des signes. Je passe ici pour barbare, et des Getes impertinents se rient des mots latins. Cette appellation latine Pictavis, est donc erronément attribuée aux Pictes pour étayer une opinion ridicule, et que j’ose dire fausse; car quelques Auteurs ne font descendre ces Peuples dans la grande Bretagne que sous Vespasien ou Domitien. D’autres, et c’est le plus grand nombre, prétendent que les Pictes ne sont connus dans l’Histoire que depuis Constance Chlore, et que le nom Picti leur a été donné par les Romains : mais quelle que soit l’époque de leur pas sage dans la gaule, Poitiers étoit bâti. et même une ville célèbre avant leur entrée dans le Poitou, puisque le Géographe Ptolémée, et l’itinéraire d’Antonin en font mention. Ajoutons qu’Isidore de Séville nous dit dans son seizième livre des origines, que Poitiers, Arles et Narbonne ont été bâtis par leurs propres habitants, qui étoient Gaulois, et non Pictes. Poitiers n’est donc pas l’ouvrage des Pictes. On doit au contraire convenir que la fondation de cette ville est très antérieure à l’arrivée des Pictes dans le Poitou. Cela est comme démontré par des ruines antiques, par des monumens que les Romains y ont érigés, tels que des arènes, dont une place porte le nom, les vestiges d’un Palais de Gallien, une inscription gravée sur un marbre tiré de l’Eglise de St-Jean, Eglise que les Antiquaires ont peut-être tort de regarder comme un Temple de Diane; enfin, les restes d’un aqueduc qui conduisoit de l’eau à la ville : monumens précieux, qui, quoique ruinés aujourd’hui, sont autant de témoins muets qui déposent en faveur de l’antiquité de la ville de Poitiers.

Mais inférer de l’antiquité de cette ville, qu’elle a été bâtie par les Pictes, et que les Poitevins tirent leur origine de ce peuple, c’est s’élever contre des autorités contraires, et d’autant plus s’abuser; que tout ce que l’on débite des Gaules sur le temps qui a précédé la perte de leur liberté et leur entière réduction sous la domination de Rome, est et sera toujours fort incertain; la raison en est très simple, elle se tire de la certitude où nous sommes, qu’aucun des Gaulois n’a écrit l’Histoire de son pays. Leurs fastes comme leur religion ne se transmettoient que de mémoire, quoiqu’ils fissent fréquemment usage de l’écriture pour régler leurs affaires particulières : témoin, le registre trouvé dans le camp des Helvétiens, après la victoire que César remporta sur eux : témoin aussi leur usage de jetter dans le bucher d’un mort un état de ses affaires ainsi que des payements faits depuis son décès. Ajoutons, d’après les commentaires du même Conquérant, que le silence sur les affaires d’état étoit imposé aux particuliers. C’est donc à ce Conquérant des Gaules qu’il faut recourir pour se procurer quelques notions sur le Poitou.

Dans ses Commentaires, les Poitevins ne sont pas appellés Picti, mais Pictones. Le jeune Brutus, nous dit-il, eu le commandement de l’Armée navale, et des vaisseaux Gaulois que l’on avait fait venir du Poitou, de la Xaintonge, et des autres provinces paisibles. Dans son huitième livre il écrit encore que Fabius, informé de qui se passoit dans le Poitou, in Pictonibus, partit sur le champ pour aller au secours de Duras.

La suite l’ordinaire prochain. »

Affiches de Bourges, etc. du 15 mai 1788, n°11, rubrique « Littérature »

« Fin de la Dissertation à l’occasion d’une Lettre écrite par M. l’Abbé*** Strabon, L.4, Ptolémée, L.2, Pline, L.4,appellent également les Poitevins, Pictones. Quelles raisons peuvent donc opposer à ces autorités ceux qui nomment les Poitevins Picti, et les font descendre des Pictes, qui, selon eux, passèrent la mer, et vinrent se fixer dans le Poitou. Voudroient-ils les fonder sur l’apparente analogie des deux mots, Picti, Pictones ? Voudroient-ils faire regarder le dernier comme un diminutif du premier ? Il y a certainement plus d’affinité entre ces trois mots Briva, Brivas et Brivates : cependant ces trois mots sont des appellations d’autant de villes habitées par des Peuples différents, qui ne descendent pas les uns des autres; car la première est située dans le Limousin, la seconde en Auvergne et la troisième en Bretagne. On ne peut donc pas dire que Pictones est un diminutif de Picti, que Brivas et Brivates en sont un de Briva. Il en est de même d’Aquila, ville de l’Abruzze, et d’Aquileia, ville du Frioul. De l’analogie de ces deux mots, peut-on inférer qu’ils n’expriment qu’une même ville ou qu’un même Peuple ? Qui le croiroit.

Mais comme je crains que la longueur et la sécheresse de la matière de cette dissertation ne conduisent à l’ennui, je bornerai mes recherches sur une opinion contre laquelle s’élève une foule d’autorités. Pour la réfuter sans retour il suffit de renvoyer à l’inscription trouvée à Poitiers même. Je ne puis en rendre les caractères trait pour trait; mais voici ce qu’elle nous apprend et nous atteste.

CI. Varenillae. Cl Vareni. Cof. Filiae. Civitas. Pictonum. Funus. Locum. Sttuam. Moniment. Public. M. Cenfor. Pavieus. Leg. Aug. Pr. Provinc. Aquitan. Cof. Defig. Maritus. Honore. Contentus. Sua. P. C. Pnond. Curavit – c’est à dire, Claudiae Varenillae, Claud. Vareni Consulis filiae civtas Pictonum funus, locum, statuam monimentum publicum, Marcus Censor Pavius, Legatus Augusti, proefes provinciae Aquitanicae,

Consul designatus, maritus honore contentus sua pecunia ponendum curavit. Ce monument, ouvrage de l’aveugle piété du Légat d’un Auguste, très respectable par son antiquité suffiroit seul pour refuter le sentiment qui attribue aux Pictes la fondation de Poitiers, et fait descendre les Poitevins d’un peuple qui n’a passé dans notre Gaule que sous le bas empire. Après une preuve si claire, si forte et existante encore, on n’a pas besoin de nouvelles autorités pour faire respecter celle d’Isidore de Séville, qui a écrit que Poitiers a été bâti par ses propres habitants. Je dois donc finir par un court résumé que je vais faire.

Les Gaulois ont toujours eu, même sous la domination des Romains, une mesure qui leur étoit propre et particulière. Ils la nommoient lieue, et elle étoit de quinze cent pas géométriques. Chaque lieue étoit marquée par une pierre, dans le Poitou, comme dans le Berry qui étoit la première Aquitaine. Ces pierres milliaires étoient plantées non seulement pour indiquer une mesure de chemin, mais encore pour apprendre aux voyageurs, déjà fatigués, celui qui leur restoit à faire ; et par cette connoissance, adoucir leur ennui.

Ainsi le pensait Quintilien, qui compare le plaisir de rencontrer; en voyageant, les bornes milliaires, à celui d’un homme qui entend une harangue, dont toutes les parties, quoique divisées, sont bien liées, et soutiennent agréablement l’attention de l’Auditeur jusqu’à la fin. Non aliter mulium detrahunt fatigationis notata inscriptis lapidibus spatia.

Il est vrai que l’on ne connoit maintenant aucune colonne ou pierre milliaire dans le Poitou : mais dans un temps on pourra y en découvrir; comme j’ai fait dans le Berry, où l’on n’en connoissoit aucune avant 1758. C’est aux Antiquaires de la Province du Poitou qu’est réservée cette découverte; mais pour la faire, ils doivent chercher et même fouiller la terre. Grégoire de Tours, que j’ai cité, semble les mettre sur la voie; car il peut encore rester sur pied ou dans la terre quelques unes des dix pierres milliaires, qui de son temps marquoient la distance de Potiers aux champs de Vouglay. Dès que l’on est assuré que leur distance réciproque étoit de quinze cent pas géométriques, en partant de Poitiers pour Vouglay, on peut fouiller en assurance, après avoir parcouru un espace de quinze cent pas géométriques sur la voie qui conduit de l’un de ces lieux à l’autre. C’est tout ce que je puis répondre à la première des trois demandes insérées dans la lettre de M. l’Abbé***. Dans le cas ou il désireroit une réponse aux deux autres demandes, qu’il n’a pas traitées, je tâcherai de le satisfaire.

Signé PAJONNET, Prieur-C. d’Alichamp. ».

  • En 1789, 24 actes se répartissent en 12 baptêmes, aucun mariage et 12 enterrements.

En 1789 et 1790, « Nous Jacques Berthomier des Prots (?) conseiller du roy président lieutenant général civil et criminel en la sénéchaussée d’Ainay-le-Château avons coté et paraphé le présent registre [….]. »

Le registre paroissial tenu par le prieur Pajonnnet ne dit rien des événements qui vont se précipiter jusqu’à son départ fin 1792. La paroisse d’Allichamps seule – ou avec ses voisines – a-t-elle rédigé un cahier de doléances, une rédaction souvent faite par le curé dans beaucoup des autres paroisses du Cher ? Les cahiers de doléances d’Allichamps, de Farges et de La Celle-Bruère n’ont pas été retrouvés. Pas d’écho de la tenue des Etats généraux en mai, des réunions des assemblées nationale puis constituante, de la prise de la Bastille, de l’abolition des privilèges le 4 août, des biens de l’Eglise qui deviennent bien nationaux en novembre, de la création des départements, districts et communes en décembre, et des nouvelles administrations qui se mettent en place à partir de janvier 1790

  • En 1790, 32 actes se répartissent en 19 baptêmes, 5 mariages et 8 enterrements. L’écriture de Pajonnet devient beaucoup moins lisible.

En juillet, la constitution civile du Clergé est votée, complétée en septembre : un diocèse par département, les paroisses inutiles supprimées; évêques et curés sont élus par le peuple, doivent prêter serment et sont rémunérés par l’Etat, selon le grade, la paroisse, les revenus de l’intéressé – en général à partir de 1200 livres pour les curés, 700 livres pour les vicaires.

Rappelons que l’unité de mesure monétaire, la livre, va tenir jusqu’en 1795. Elle se dénomme aussi franc et ne se dénommera plus que franc par la suite, avec centimes. Avant, une livre valait vingt sous ou sols, un sou douze deniers. Au-dessus, il y avait l’écu d’argent qui valait 6 livres et le louis d’or, 24 livres.

Comment Pajonnet vit-il tous ces changements ? Il semble en tout cas ne pas trop mal naviguer parce qu’on ne le retrouve pas dans la liste des réfractaires. A-t-il déjà déménagé, volontairement ou forcé par la situation ?

Cette petite lettre (AD, F 613 n°77) du 27 septembre 1790, dont on ne connaît pas le destinataire, nous montre que Pajonnet est toujours préoccupé par ses recherches et échanges :

« Monsieur,

Toute facilité, toute espérance de voyage m’étant otées, je ne puis répondre à l’invitation que M. Jurivenes (Murivenes ?) m’a faite de votre part. Comme vous avès eu tout le temps nécessaire pour lire, relire et même copier le livre que je vous ai prété, et dont j’ai maintenant besoin, je vous prie de le renvoyer sous enveloppe, et à l’adresse de Mr. Hasley (?), docteur en droit qui payera le port au messager de Vierzon, vous savès Monsieur; qu’il passe le samedi à Mehun d’ou il se rend à Bourges. Ne manquès pas, je vous prie, de lui faire remettre mon livre samedi prochain ? Il m’est absolument nécessaire.

A l’égard des médailles qui ont occasionné vos reproches, rien de plus facile que de les faire cesser, ainsi que vos regrets. Rendès moi touts celles que je vous ai données ainsi que ma petite boîte antique garnie en échange, et je suis prêt à remettre les vôtres. Si vous ne voulès pas prendre la peine de venir, vous pouvès m’adresser le tout à Mr. le prieur de Noirlac. Cela n’empêchera pas que je ne vous cède en nouvel échange une partie des médailles portées dans votre catalogue, si par la même voye vous envoyés votre Pertinax, votre statuette et autres mais ce sera […] pour […] et argent pour argent et encore sous la condition que ce nouvel échange ne sera pas suivi de reproches que je hais beaucoup.

J’ai l’honneur d’être respectueusement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. »

Nous ne savons rien des personnes citées dans ce message. Par contre, le Pertinax est peut-être une médaille ou pièce de monnaie à l’effigie de Pertinax, empereur romain (126-193) qui régna 3 mois en 193.

Le 22 novembre 1790, dans le cadre de la vente à venir des biens nationaux a lieu l’expertise du domaine du prieuré d’Allichamps, évalué à 12 760 livres. Pour Farges, l’estimation est de 528 livres. Pour La Celle-Bruère, les lots sont évalués à 101 946 livres.

  • En 1791, 24 actes se répartissent en 14 baptêmes, 3 mariages et 7 enterrements. C’est un certain Alexis Thurault, de la châtellenie royale d’Ainay-le-Château, qui cote et paraphe le registre.

En janvier est prononcé le mariage « entre Jean-Louis Auclerc ancien bailli de Farges âgé d’environ 40 ans fils de feu Jean-Baptiste Auclerc notaire royal et de demoiselle Maire Leroy âgé de 20 ans fille de sieur François Leroy fermier et de demoiselle Soulange Chantellat de la paroisse d’Etrechi, d’autre part […] étaient présents Pierre Auclerc l’ainé bourgeois, frère de l’époux, Suzanne-Magdeleine Chantellat son épouse, François Leroy capitaine d’une compagnie de milice nationale, dame Marie-Victoire LeRouge de Châteaufer amie de l’épouse, Pierre et François Martinet laboureurs en cette paroisse ».

C’est la première fois que Pajonnet fait allusion indirectement aux événements extérieurs avec cette milice nationale. Aucune autre allusion aux bouleversements que traverse le pays et la région. Quant à la paroisse d’Etrechi, il s’agit peut-être de la commune d’Etrechy, canton de Sancergues, dans le Cher plutôt que des communes dans la Marne ou l’Essonne.

François Pajonnet prête serment en janvier ou février 1791 à la constitution civile du clergé (24 août 1790) – à la Nation, la Loi, le Roi – et est donc dit « assermenté ».

Le 16 mars, Pajonnet sait que son prieuré est à vendre, et il se renseigne auprès des représentants du district de Saint-Amand; nous avons retrouvé cette lettre aux archives municipales (1 S 23, n° 23) :

« Monsieur,
Vous m’avés fait l’honneur de me dire que les biens nationaux assis sur ma paroisse seraient vendus lors que vous auriés reçu des soumissions. J’oubliais de vous demander les conditions et le temps pour les paiements. En attendant que je les connoisse, s’ils ne sont pas trop onéreux, je porterai cent louis pour l’ancien hôpital de Bruyères aujourd’hui connu sous le nom de vicairie Saint-Mathurin et toutes ses dépendances même y compris le calice et l’ornement avec les linges nécessaires pour acquitter dans la chapelle touts les samedis la messe de fondation qui n’est point acquittée. Je vous serai très obligé Monsieur, si vous vouliés bien me faire savoir par le porteur et les conditions et le temps pour les paiements. J’ai l’honneur d’être respectueusement votre très humble et très obéissant serviteur
»

La vicairie Saint-Mathurin est l’ancien hôtel-dieu construit hors les murs, au nord de Bruère, près de l’ancienne voie romaine; il remonte au xi° siècle, est modifié au xve, avait chapelle et même un petit cimetière et était en mauvais état dans les années 1760.

Pourquoi cet intérêt pour ce bien ? Un placement ? Retrouver un « bénéfice » qu’il avait déjà, un lieu pour exercer sa profession, redonner vie à un lieu abandonné, assurer le culte au bourg même de Bruère qui n’aura plus de lieu si Allichamps est fermé ? Notre prieur a un peu d’argent de côté : cent louis (2 400 livres). Il ne les a peut-être pas en espèces mais en rentes ou en propriétés et c’est pour cela qu’il demande les conditions et le temps de paiement. Nous n’avons pas retrouvé trace de son installation en l’endroit !

Le 10 juin, l’adjudication du bien national « prieuré d’Allichamps » est prononcée au citoyen Pierre-Charles Chevenon-Bigny (ex-marquis de.) pour la somme de 40 600 livres. Nous avons parlé de cette famille aristocratique un peu plus haut : Pajonnet connaissait bien le père, mort en 1779. Ce citoyen sera bientôt dénoncé pour « propos contre-révolutionnaires », condamné à mort le 29 novembre 1793 et exécuté place des Carmes à Bourges le 14 janvier 1794. Ses biens sont confisqués et le domaine du prieuré est donc remis en vente et c’est le citoyen Berchon La Trolière qui l’acquiert pour 47 200 livres.

L’église, séparée du domaine, signalée en grande partie écroulée dans une enquête de 1796, est mise en vente en 1799 et elle est acquise par Jean-Baptiste Augier (gendre de l’ex-marquis de Bigny) pour 12 100 livres.

Quelles sont les causes de cette dégradation du bâtiment dit en partie écroulé ?

Mauvais entretien, négligence du prieur dans la commande de travaux, manque de financement pour les réaliser ? Quelle est la partie dite écroulée ? Serait-ce le clocher qui en tombant aurait écrasé une partie de la nef ? Serait-ce pour le démontage des cloches que des dommages aient accentué cet écroulement ?

C’est par le père René Challet (Bulletin n° 12 des Amis du musée Saint-Vic, 1984) que l’on sait que « le spécialiste de la descente des cloches dans tout le district était le citoyen Dumoulin, entrepreneur de travaux publics à Saint-Amand. C’est lui qui enleva entres autres la cloche de la chapelle Saint-Rhomble, sept des huit cloches de l’église de Meillant, sans oublier celles d’Allichamps, La Celle, Uzay, Charenton, et […]. » Le clocher d’Allichamps devait abriter quatre cloches : celles de 1714, à savoir une petite et une grosse (environ 400 livres) bénites en septembre par le prieur Debize; celle de 1763, appelée Louise; et celle de 1776, appelée Gabriel-Marie-Marguerite (268 livres), toutes deux bénites du temps de Pajonnet. En 1802 il est dit qu’une cloche d’Allichamps est transférée à l’église de Saint-Amand qui en est privée depuis 1793. Elle sera remontée en 1827 dans le clocher de l’église de La Celle.

Le 21 juin, c’est la fuite puis l’arrestation du roi Louis XVI à Varennes. En juillet, François Pajonnet a quelques difficultés avec l’administration nouvelle du district de Saint-Amand. Nous avons retrouvé aux Archives municipales dans la série P concernant les cultes (règlement des traitements et pensions ecclésiastiques) deux lettres de notre prieur.

Le 12 juillet 1791 il écrit à son représentant :

« Monsieur,

J’ai retrouvé et j’ai l’honneur de vous envoyer le compte que vous désirés à l’égard des titres de mon bénéfice de la cathédrale, ils seront ce soir à Bourges avec une lettre par laquelle je demande une copie du certificat de l’enregistrement de ma pension qui m’a été très exactement payée jusqu’au Ier juillet de l’année dernière. Mes importunités vous ont fait connaître, Monsieur, combien je désire l’obtention de mon traitement, je vous prie instamment de l’accélérer. J’ai l’honneur d’être respectueusement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. »

Nouvelle lettre le 25 juillet:

« Monsieur;

En conséquence du fait communiqué, j’ai remis à la municipalité mon compte du 10 may au revers duquel le greffier a écrit et signé les observations désirées. Je crois épuisées les voyes de temporiser et j’espère que mon traitement sera enfin fixé avant la fin de ce mois. On vient tencore d’exiger de moi un supplément, et je vous avoue que je me lasse de payer et d’être privé, au mépris de la loy, du payement des trois quartiers échus. Extrêmement occupé, vous avès sans doute oublié que j’ai eu l’honneur, Monsieur de vous remettre il y a longtemps les titres de ma vicairie de Saint-Etienne et qu’en me les rendant le jour ou vous êtes venu ici, vous m’avez conseillé de les envoyer au Directoire de Bourges parce que les fonds qui en dépendent sont situés dans son arrondissement, et j’ai suivi votre conseil. Il doit en être de même de ma pension viagère sur des fonds ecclésiastiques assis hors de votre district. Il est donc inutile de me demander les titres de ma vicairie de Blanc Manteau, ainsi qu’un certificat pour établir ma pension, et que je n’ai point. Ces deux articles seront réglés au Directoire du département. A l’égard de ma cure de ma vicairie de Saint Blaise, mes comptes ou déclarations, et le voyage que vous avez pris la peine de faire ici, sont suffisants pour vous éclairer et vous décider sur le montant de mon traitement, d’autant mieux que vous avès les titres de la vicaire de Saint-Blaise.

J’ai l’honneur d’être respectueusement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. » »

En post scriptum :

« La déclaration de nos officiers municipaux poura servir à la réunion de notre cure et de notre municipalité à celles de La Celle-Bruvères

Concernant les bénéfices de la cathédrale, sont-ce les 1200 livres de rente que Pajonnet reçoit après l’entremise du duc de Béthune-Charot après 1774? Nous ne savons pas quand Pajonnet a acquis les titres – en plus de Saint-Etienne d’Allichamps – de la vicairie de Saint-Blaise (de La Celle?), ni celle du Blanc-Manteau, et ou se trouve cette dernière ?

  • En 1792, 16 actes se répartissent en 7 baptêmes, 3 mariages et 6 enterrements.

Le toujours signataire prieur curé d’Allichamps a 80 ans.

Son écriture est plus serrée.

« Le présent registre contenant 4 feuillets celuy-ci compris a été coté par premier et dernier par nous Pierre-François Begnon (Beguin ?) président du tribunal de district de Saint-Amand, département du Cher pour servir au curé d’Allichamps à y inscrire tous les actes de baptêmes, mariages et sépultures qui se feront dans la dite paroisse pendant le cours de l’année 1792 laquelle expirée sera l’un des deux registres déposé au greffe du tribunal conformément à la déclaration du roy du 9 avril 1736, fait à Saint-Amand le 1er février 1792. »

Les feuilles du registre sont également tamponnées avec un cachet où est indiqué : La loi, le roi, D .DU.CHER, entourant un médaillon avec une dame assise symbolisant la justice tenant l’épée et une balance et dessous MINUTE 4. s. Depuis la fin 1789 et le début de 1790, sont créés départements, districts, cantons et communes, le Cher est nommé département et Saint-Amand, chef-lieu du district.

En septembre de cette année, le parrain d’une nouveau-née fille d’un vigneron est un certain Pierre de Bonneval, ancien capitaine d’infanterie, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, mais on ne sait pas de quelle paroisse il vient : est-ce Farges où habitent les Bonneval de la Commanderie?

Au niveau national, les événements s’accélèrent : guerre à l’Autriche, la patrie en danger. Les prêtres réfractaires sont internés ou déportés à partir de mai; ils ont quinze jours pour quitter la France en août qui voit aussi l’abolition de la royauté et l’obligation de prononcer un nouveau serment à la nation pour tous les fonctionnaires publics, dont les prêtres. En septembre, il faut verser à l’Etat les objets en or ou argent des églises. Aux archives municipales de Saint-Amand, nous avons retrouvé (1 S 37) cette liste des paroisses ou communautés qui versent pour une certaine valeur « l’argenterie envoyée à l’Hôtel des monnaies ou à la Trésorerie nationale à Paris » à la date du 17 décembre 1792. Allichamps n’y apparaît pas mais Farges, si :

  • Farges 2 livres 6 sols 5 deniers 1/2
    • Carmes de Saint-Amand 22 l 4 s
    • Ainay-le-Vieil 10 12 s 7 d
    • Epineuil 5 1 6 s 3 d 1/2
    •  Saulzais 4 12 s 1/2 d
    • Uzay 3 1 7 s 3 d
    • Colombier 3 1 2 s 6 d
    • Charenton 14 L 1 s 2 d

En novembre, ce sont les derniers actes signés par François Pajonnet après plus de cinquante ans de présence en cette paroisse. On trouve sous son dernier paraphe : « Nous officiers municipaux avons clos et arrêté le présent registre le 8 décembre 1792, l’an 2 de la République. »

  • Le 25 novembre 1793 vieux style ou 5 frimaire an II, Pajonnet s’adresse au district de Libreval ou Saint-Amand:

« Citoyens Administrateurs, on m’assure que la Convention nationale ordonne à tout prêtre, fonctionnaire public, de faire la démission de son titre et de remettre ses lettres de prêtrise, je dois donc en bon républicain m’empresser d’obéir à la Loi, en conséquence je déclare, Citoyens Administrateurs, que je fais ici purement et simplement la démission de ma cure et il est constant que j’ai été ordonné prêtre en 1736, mais j’ai malheureusement perdu mes lettres de prêtrise et je ne puis les joindre à ma démission. Je suis avec ma sincère fraternité, Citoyens Administrateurs, votre frère Pajonnet. ».

Il est dit abdicataire le 12 frimaire de l’an II, soit le 2 décembre 1793.

« A Libreval le 19 floréal an Il de la République française une et indivisible », soit le 8 mai 1794 à Saint-Amand, Pajonnet « ex curé d’Allichamps » envoie ce petit mot aux responsables du directoire du district : « Citoyens, à 82 ans l’homme n’est plus propre pour les armes mais si ce grand âge me dispense de voler aux frontières, le pur patriotisme dont j’ai déjà donné quelques marques m’impose le devoir d’en offrir à la République une nouvelle preuve. J’espère, citoyens, que vous la trouverez dans l’abandon que je lui fais aujourd’hui de mon traitement […] jusqu’à la paix avec offre de le signer sur votre registre. Quelques modiques soient mes facultés, mon civisme m’a dicté cette privation j’irais donc prendre encore sur la frugalité qui m’a conservé jusqu’ici la santé. Agrée, je vous prie, citoyens, ce nouveau témoignage de mon ardent civisme, citoyens, salut et fraternité. ».

François Pajonnet s’est retiré à la Grange Bernon près de la nouvelle route nationale où, un peu plus loin au sud, est installée en 1799 à un croisement, aux frais du duc de Bethune-Charost, une borne milliaire transformée en sarcophage qu’il avait découverte en 1757, la fameuse colonne dite du « Centre de la France ».

  • Le 24 avril 1795 ou 5 floréal an IV, il demande à être relevé de l’abandon qu’il avait fait de sa pension :

« Citovens administrateur du district de Libreval,

Dans le désir de contribuer à la défense de la République, j’ai fait à la Nation l’abandon de mon traitement jusques à la paix. Au vu de cet acte patriotique j’espérais que mes petites épargnes, et une pension viagère de six cent livres, me suffiraient, mais le renchérissement continuel des subsistances les a épuisés, et me réduit à la nécessité de réclamer l’échu de mon traitement. Citovens vous avez accordé au citoyen Thibaut ex curé de Chambon la grâce que je vous demande et j’espère que vous ne la refuserés pas à un vieillard de quatre-vingt-quatre ans, et que vous ne me laisserés pas plus longtemps en proie à cette indigence. ».

  • Le 17 août 1796, Pajonnet, toujours vigilant sur ses droits – « si je paye, je dois jouir » -, adresse une pétition (AD 18, F 613, n° 76) :

« Citoyen juge de Paix,

 Le citoyen Janvier et son épouse m’ont verbalement sous fermé la maison et dépendances qu’ils tiennent à ferme du citoyen Guignard, fourrier du 14ème Bataillon d’infanterie légère. Lors que j’ai pris cette sous ferme, je connois si peu le mauvais état de ses objets, qu’il a été convenu entre nous que je ne pouvois exiger d’eux aucunes réparations même locatives. Convention contre laquelle je ne puis ni ne veux revenir, mais m’obligeroit d’abandonner la maison, si les grosses réparations, surtout celles nécessaires à la couverture n’étoient promptement faites pour parer l’eau qui dans les temps pluvieux perce et inonde tout l’intérieur. J’en ai trois fois donné avis au citoyen Guignard. Ennuyé d’attendre sa réponse je me suis adressé au conseil de l’administration de son bataillon qui n’a pu me donner de ses nouvelles. A t’il donc déserté ? Est-il prisonier de guerre, ou a t’il succombé dans quelque combat ? Je n’en sais rien : mais en attendant que l’on soit instruit de son sort, je demande, Citoyen, vu l’urgence des réparations nécessaires à la maison, qu’elles soient constatées par expert qu’il vous plaira nommer; et qu’ensuite je sois autorisé à les faire en déduction du prix de la ferme, car si je paye, je dois jouir, et ma pétition est, et vous paraitra sans doute bien fondée. J’ai donc donc lieu d’espérer que vous y aurés égard. »

Le document est signé de Pajonnet, sans aucun titre. En marge du document autorisation est donnée par le juge de paix Barbarin (?) de nommer un expert et c’est signé à Farges.

François Pajonnet a 90 ans en 1802.

Il décède le Ier mars 1806, pratiquement aveugle depuis quelques années.

«  […] Monsieur François Pajonnet, prêtre décédé de ce matin à une heure, âgé de 94 ans fils de François Pajonnet et de Marie Chantelat, né à Bourges département du Cher, premier témoin Charles Barrault tuillier de 59 ans, second témoin Antoine-Joseph Auclerc âgé de 26 ans, constaté suivant la loi par moi Cotensin maire de La Celle-Bruère, lecture fait au partie comparante, le Sieur Auclerc à signer; Barrault déclare ne le savoir. »

Il est inhumé dans l’ancien cimetière de La Celle qui était alors au chevet de l’église Saint-Blaise. Sa pierre tombale portait l’inscription suivante : «DOM. Ci-git Fançois Pajonnet, ancien et dernier prieur d’Allichamps né à Bourges le 26 mai 1712. Il s’est endormi dans le seigneur le le mars 1806. Il aima la Religion et les Antiquités. Priez Dieu pour le repos de son âme. ». Cette pierre tombale a sans doute disparu lors de la fermeture du cimetière en 1840. Les restes du prieur auraient été transférés dans le caveau de la famille Auclerc, dans le cimetière actuel de La Celle et Bruère-Allichamps.

Fançois Pajonnet avant de mourir a peut-être été en contact avec Jean-François Barailon qui publie en 1806 Recherches sur plusieurs monuments celtiques et romains, où il parle de Néris-les-Bains en le citant plusieurs fois comme correspondant de Caylus et pour ses découvertes archéologiques ; il lui reproche des datations un peu hasardeuses de constructions sur Néris.